Voici le mode d’emploi afin de profiter pleinement d’Entropy. 1- Soyez seul. 2- Attendez 00h00. 3- Éteignez les lumières et plongez-vous dans le noir. 4- Laissez-vous embarquer dans cette vague d’onde dépressive et pessimiste.
Voilà tous les bienfaits que le nouvel album de Spire peut vous apporter si vous suivez les consignes. Malgré la dominante esthétique black metal, ce disque serait plutôt une hybridation du style précité avec du Dark Ambiant. Par son côté drone music, l’œuvre proposée par les Australiens possède un aspect textural assez proche de ce qui se fait en illustration sonore, une illustration morbide dont la fonctionnalité serait de permettre à l’auditeur de visiter les tréfonds de son âme pour en extirper les songes et les désirs les plus torturés.

Conceptualistes "jusqu’au boutisme", les membres de Spire ont façonné un univers bien singulier entre l’imagerie et le son. L’artwork, épuré, retranscrit judicieusement la musique et laisse apparaître le logo du groupe, également très particulier. Celui qui arrive à lire le nom de cette formation atypique, je lui paye une quatre fromages.

Cette symbolique se veut sans doute aussi déroutante que peut l’être la musique elle-même, à savoir, une entité compacte et atmosphérique qui procure un ressenti très négatif et schizophrénique. Le climat est renforcé par un effacement des structures. Pas de couplets-refrains ou d’éléments distinctifs, la continuité thématique s’effectue sans cassures.
Des ambiances, très proches d’un chant diphonique, accentuent le caractère dégénéré qui se dégage au fil de l’écoute.

Spire est de ce fait un groupe assez particulier, pas évident à cerner. Ceci dit, le présent opus arrive, et c’est de plus en plus rare dans le genre, à préserver l’héritage du black des années 90 dans ce qu’il a de plus froid et malsain, tout en proposant une production et un traitement du son résolument actuels.
Concernant les instruments, la guitare, tantôt rythmique, parfois planante, délivre au travers de ses fréquences déshumanisées un son qui dégage une connotation nocive. Le chant est blasphématoire et la batterie, linéaire et lointaine, nous permet difficilement de savoir si elle est acoustique ou si c’est une boîte à rythme. Le couple grosse caisse/caisse claire, assez peu présents dans le mix, contraste avec une ride brillante. Le tout est noyé dans le magma sonore mais occupe malgré cela une place cohérente dans le rendu général.

Limité à 500 copies vinyle et 1000 copies CD, l’objet est un véritable diamant noir, à mi-chemin entre black et atmo’. Spire joue un metal très personnel et envoûtant qui demande un petit effort pour pouvoir y adhérer. Ce premier full-length qui succède à 2 EP et un split permet au combo, tout droit venu du pays des kangourous, de prouver qu’il n’y a pas besoin d’être nordique pour mettre en musique les ténèbres.