Conte en cinq actes, « Manolo On Juliet » est une performance artistique où SYN- pose une trame musicale à la prose d'E.5131. Revêtant bien des aspects, cette œuvre prend toute son ampleur dans son merveilleux caractère pluridisciplinaire. Aux contours d'apparence libres voire libertins perce un ouvrage exigeant où le fond et la forme se font l'amour pour nous livrer les angoisses de son personnage principal, Manolo.

Manolo pourrait être n'importe qui. Vous ou moi. Vous et moi. Manolo est un occidental en proie au désespoir qui grandit, grandit, grandit en lui. Perforé par les piques acerbes de la société, il cherche à se débattre dans un univers où l'anonymat règne en maître. D'abord confronté à la Machine « qui s'en va prendre les rails sans encéphale », son esprit fulmine et il décide d'abandonner son rôle de citoyen urbain, esclave de l'empiètement industriel. Mutation. Perte de contrôle. Aliénation. Évoluant dans son délire salvateur, Manolo se débat dans un combat « mano à mano » où rêve et réalité ne sont plus. La musique colle aux pérégrinations troubles de l'acteur principal. Elle sera tantôt mécanique puis post industrielle quand il évoluera dans un univers gris, sous le joug de la Machine, irréfutable adversaire. Elle évoluera doucement vers des sonorités plus organiques lorsque son esprit lui projettera des images érotisantes. Juliet fait alors son entrée. Elle est une fleur, la « dégoulineuse épinante ». D'avantage perçue comme une image dangereuse, rapidement il aspirera à une quête plus lointaine et moins charnelle. Véritable guerrier, Manolo s'affirme dans la colère. Sa volonté de puissance est certaine. Projections désordonnées où les textes, difficilement compréhensibles, conféreront à l'œuvre son aspect épineux et plein d'aspérités. De l'acoustique d'une guitare on revient vers d'inquiétantes nappes synthétiques. Manolo se fait broyer par la Machine qui veille. « Et c'est le noir ».

« Manolo On Juliet » est une impressionnante œuvre totale. D'inquiétantes constatations naissent le délire, la paranoïa peut-être, le trouble identitaire pour sûr. Même s'il se veut « fantastique », personne ne pourra nier le caractère subversif de ce conte. Personne ne dira non plus que tout ça a éclot du néant ... le disque s'avère être empli de nombreuses et ravageuses gouttes d'acides. Vous croyez n'être que le spectateur de cet ouvrage ? Détrompez vous malheureux, vous en êtes le personnage central.