Blóðtrú – nom formé par la réunion de deux mots d’ancien norrois signifiant « sang » et « foi » - est un projet solo mené par Truà, auteur-compositeur et multi-instrumentiste. The Death of the Spirit est le premier album sortit par l’artiste sous ce blason de « groupe ». Le danois donne comme intention directrice soutenant ce qui peut être qualifié de concept album, la « redécouverte de ses propres racines et le désir de montrer aux autres comment les retrouver ». Tout un noble programme en somme, qui se décline durant la quasi heure où l’on est invité à plonger au chœur de l’univers d’un musicien singulier, ayant réussi le tour de force de jouer tous les instruments présents sur les compos…ce qui n’est pas donné à tout le monde, loin s’en faut.

Est-ce que pour autant, "The Death of the Spirit" est un album aussi intéressant qu’il y paraît à première vue ? Là où le bas blesse, c’est peut-être qu’à vouloir rester seul maître à bord, le danger de se perdre et de manquer de créativité est l’un des pires écueils qui attendent le capitaine solitaire. Certaines des cinq chansons de l’album auraient sans nul doute largement gagné à être écourtées, les passages les plus originaux étant souvent étouffés dans la masse de compositions qui deviennent rapidement répétitives. Côté production et artwork, l’ensemble est de qualité, avec un son propre et un design épuré, sombrement élégant. Mention spéciale à l’illustration de la pochette, façon gravure ancienne et représentant un squelette en habit papal.

Blóðtrú plonge au chœur de racines ancrées dans le folklore et l’esprit nordique, tout en liant cette culture païenne avec le monde actuel au travers de lyrics qui se font souvent une critique acerbe mais lucide des travers de la société moderne ou de la religion chrétienne. L’ambiance pesante - qui se met en place dès les premières mesures d’un morceau décriant l’évangélisation imposée par le passé aux populations païennes – rend bien ce malaise latent qui colle à la peau dans ce « palais de néant » que peut être notre monde au travers d’un certain regard. Le dégoût et la haine envers l’oubli des valeurs morales et humaines transparaissent dans le chant torturé - oscillant entre grondements glauques à souhait et plaintes douloureuses - apposé à des guitares saturées et une batterie qui ne se repose guère que sur le dernier morceau. Un hymne lancinant et planant aux allures de rituel chamanique et qui s’étend sur plus de 15 minutes !, parmi moments les plus réussis de cet album, malheureusement inégal. "The Transcendance of the Fimbulwinter" achève le plaidoyer chaotique qu’est le premier opus de Blóðtrú sur une notre étonnamment douce et poétique, qui offre comme une bouffée d’espoir salvateur. Jolie conclusion au terme d’une longue épopée au travers de visions cauchemardesques. L’ambiance globale n’est pas sans rappeler Darkthrone ou encore Immortal pour certain riffs, sans parvenir à égaler encore en puissance et en sensations ces démoniaques aïeuls.

"The Death of the Spirit" possède des qualités évidentes, d’autant que l’homme a accouché seul de ce travail titanesque qu’est la production d’un album, mais tout autant de défauts qui en font un disque intéressant sans être indispensable ou marquant. A réserver aux plus curieux ou aux fanatiques de black progressif. Cela dit, garder les oreilles ouverte en attendant la prochaine production du sieur à l’origine de cet étrange univers musical est une idée à ne surtout pas remiser au placard, sous peine de manquer une future excellente surprise.