Décidément, la légendaire Bay Area ne cessera de nous surprendre et de revenir discrètement mais régulièrement sur le devant de la scène. Tel un berceau de civilisation en permanente évolution et renaissance, les eaux troubles du Thrash Metal couleront à jamais autour de San Fransisco. Et HEATHEN n’est qu’un exemple de plus pour nous prouver que ce flambeau, qui ne s’est jamais éteint, peut encore étinceler d’un Thrash qui se renouvelle sans cesse. Encore un groupe revenu d’entre les morts, après les Testament ou autre Laaz Rockit, les Californiens se sont accrochés pour nous proposer un pur moment de plaisir ! Si les magazines people s’intéressaient à la vie de ce groupe (merci, les metalleux sont encore épargnés), ils auraient sans doute fait fortune tant son histoire est riche en rebondissements, entre changements permanents de line-up, problèmes de bassistes, en passant par les accidents (mortels) de la vie qui ont frappés certains membres, de la création du groupe au début des années 1980 jusqu’à aujourd’hui. Après un split et une reformation au début des années 2000, le quintet sort ici son troisième véritable album (à peine) en plus de quinze ans de formation. « The Evolution Of Chaos », successeur de la démo « Oppiate Of The Masses », sortie en 2004, est en plus d’une renaissance un aboutissement et une totale réussite. Le combo frappe là où ça fait mal et nous sort un album vraiment énorme !

Après une intro orientale exécutée au sitar, les Californiens, menés par les Lee Altus (qui officie évidemment en parallèle au sein d’Exodus) et David White (chant), nous balancent un titre époustouflant, "Dying Season", qui nous plonge dans une avalanche Thrash, teintée de Heavy (par le chant notamment), qui n’aura que peu de moments de répit au cours de l’album. Car en effet la suite est toute aussi excellente. Un son absolument dévastateur investit vos cavités latérales, acéré, surpuissant, où la rugosité de la batterie côtoie la sévérité mielleuse des guitares. Les compositions sont de très grande qualité, intelligemment construites, tantôt ultra agressives, tantôt ultra mélodiques. Les vocaux assurés par White, pêchus et mélodiques se mêlent aux riffs techniques de la paire six-cordiste Altus / Lum. Rien à redire, et ce ne sont pas les perles telles que "Control By Chaos", "Fade Away" ou encore "Silent Nothingness" qui feront changer d’avis les sceptiques. Evidemment, on retrouve beaucoup la patte d’Exodus dans le style d’Heathen, puisque son guitariste compose ici la majorité des titres, la meilleure illustration étant entre autres l’introduction de "Fade Away".

Mais si le Thrash habite bon nombre de plans et soli furieux au sein des compositions, les aspects épiques et mélodiques, plus dans l’esprit du Heavy Metal, ne sont pas laissés de côté, bien au contraire. Ainsi s’enchaînent pour les cordes les plans de guitares harmonisées, accords puissants, ou autres arpèges acoustiques, et pour le chant les effets « reverb » et autres vocalises, qui offrent de la polyvalence au tout. Les longues parties mélodiques qui ponctuent l’album sont vraiment très réussies. Les morceaux, longs pour la plupart (plus de six minutes en moyenne, et plus de onze pour "No Stone Unturned"), s’enchaînent à merveille, la diversité des ambiances étant respectée et bien gérée au cours de l’album.

On a affaire à un disque vraiment complet, où puissance, mélodies et agressivité font bon ménage, et qui a tout pour rester un bon moment dans ma platine, et dans la votre peut-être ! Bravo à Heathen pour cette réussite totale !