Faire un album concept relève du calcul binaire: soit c'est une franche réussite, soit ça sent l’œuf pourri. Surtout quand on choisit de traiter d'un sujet grave et mal connu tel que l'autisme. Les polonais de Blindead ont choisi ce thème délicat pour construire leur troisième album "Affliction XXIX II MVMVI", véritable pépite d'ambiances suffocantes.

Pour rappel, Blindead est à la base, un projet "récréatif" de Mateusz ‘Havoc’ Smierzchalski, ancien guitariste de Behemoth. Après avoir décidé de donner une vraie consistance à son projet doom/sludge, le musicien épaulé de ses camarades de jeu, s'est lancé dans l'écriture de cet opus profond, réfléchi et grave. Tout d'abord, la démarche des polonais les a poussés à s'éloigner du doom/sludge collant des débuts pour se rapprocher du postcore atmosphérique des maîtres étalons que sont Neurosis ou Cult of luna. S'ils conservent tout de même un aspect lourd et rugueux, les structures se diversifient et les sons s'étoffent, tandis que les sentiments prennent le pas sur la puissance.
Comme je le disais plus haut, le concept nous emmène dans l'esprit torturé d'une fillette atteinte d'autisme. On découvre ses peurs, ses pensées, ses joies, mais aussi le malheur de ses proches. Blindead est parvenu à illustrer cette histoire dure par des morceaux forts en émotions et en ambiances, transcrivant en musique toute la gravité et la tristesse qu'engendre cette situation. On traverse la solitude, la souffrance, la colère, parfois l'espoir. Les différents tableaux s'enchainent sans pause, et s'imbriquent à la perfection. Si chaque titre possède sa propre ambiance, l'aspect global de l'album est étouffant, confiné, comme l'esprit de cette pauvre petite fille.
Musicalement, l'album est de haute volée. Travaillé et cohérent, il présente des morceaux dont les structures sont souvent répétitives mais jamais lassantes, pavées d'innombrables arrangements. Le mixage a du être titanesque tant l'album regorge de samples électroniques, de bruitages en tous genres, de claviers atmosphériques et d'instruments atypiques comme un piano, une trompette ou une contrebasse. Blindead utilise souvent aussi l'alternance entre growl/gros son et chant clair/arpèges, qui m'évoque souvent les finlandais de Ghost brigade.
On rentre très vite dans cet album malgré son apparente complexité, ce qui en fait un must du genre.

Triste et prenant, "Affliction XXIX II MVMVI" pousse le postcore dans le paroxysme de la tristesse, sans larmoyer. C'est un album résolument adulte qui donne le frisson. Dans un style relativement extrême comme celui-ci, rarement concept aura aussi bien été illustré en musique. A ne pas louper en version digibook avec son riche livret de 40 pages retraçant en détail l'histoire.