Assez souvent raillée pour un nombre conséquent de clones et d’œuvres fadasses, la pléthorique scène black metal allemande, et ses hordes réunies, sait encore davantage se signaler en enfantant et révélant des entités singulières à l’identité bien définie. En effet, nos meilleurs amis et rivaux possèdent à l’heure actuelle un des potentiels et viviers de talents les plus importants en Europe. Ainsi, les (feu-)NAGLFAR, SECRETS OF THE MOON, LUNAR AURORA ou encore DER WEG EINER FREIHEIT, dont il est ici question, ont su au fil du temps se faire une place sous « le soleil noir de la mélancolie » musicale (pardon à Nerval pour cette référence intempestive), insistant davantage sur la complexité des atmosphères développées que sur la brutalité débile et immédiate explorée sous d’autres latitudes.
Cela étant dit, et indépendamment des poncifs stéréotypiques, si l’enjeu reste bien souvent le même, les modalités et les ressorts employés pour exprimer cette expérience du Sublime diffèrent en tout point. Si LUNAR AURORA a fait le pari des longues errances ambiantes au cœur de la nuit, jouant sur des compositions complexes et en constante évolution… d’autres, comme DER WEG EINER FREIHEIT, se sont engagés vers une voie plus… suédoise… dans laquelle les lignes mélodiques prédominent, avec des leads simples et longuement développés, des rythmiques linéaires, une batterie bloquée sur le mode tapis de doubles pédales et/ou assauts blastés, et des accalmies acoustiques où les arpèges et breaks ventilent les poumons de l’auditeur lambda en hypercapnie.

Après un premier album éponyme, sorti en 2009, globalement salué par la critique (et que vous retrouverez aisément sur notre site), et le magistral « Agonie », (EP, 2011), « Unstille » prolonge l’aventure en terres teutonnes, et reprend exactement là où ledit EP s’était arrêté. Attendez-vous donc à du black metal mélodique comme il faut, évoquant les heures de gloire des suédois de DAWN et de NAGLFAR, ou des norvégiens d’OBTAINED ENSLAVEMENT. Un black metal simplement composé, organisé… et au riffing gonflé, dès son incipit « Zeichen », par la batterie frénétique de Tobias S. (au son de caisse claire et de grosse caisse résolument synthétique et triggué). Dans l’ensemble, c’est binaire, linéaire, mais l’usage de ces lignes mélodiques lancinantes et des longues complaintes de T.J. dont la voix éraillée se fond dans le maelström sonore… exhale le dédain et le désespoir à dix kilomètres...

N.K. récite ainsi ses gammes, et propose une nouvelle fois une ode introspective, une quête d’absolu, développée le long de six longs titres… surprenant çà et là, via des breaks acoustiques, ou des leads poignants, l’auditeur distrait. Ainsi « Nachtsam » (de même que Vergängnis) en est l’exemple type… avec son introduction, son ascension progressive, son long développement dépourvu de toute intrusion vocale, et exposant ainsi en lui-même les mots et émotions que la voix n’aurait pu que singer…
Alors, certes, tout n’est pas parfait… loin de là… on reprochera en effet à notre trio bavarois de parfois se laisser aller à la facilité… et à coller, sur certains titres, à son modèle suédois avec une orthodoxie un peu trop prononcée (en particulier dans « Lichtmensch » et « Zu Grunde »). Néanmoins, en dépit de ces quelques accrocs limitant « Unstille » au statut de bon album, l’art de la composition et de la mélodie ici exprimé, la faculté à produire des atmosphère à la fois épiques et mélancoliques, contribuent à situer DER WEG EINER FREIHEIT dans le sillon des groupes au potentiel incontestable.

Et ce potentiel n’est pas que virtuel… car nombreux sont les moments où la musique, guidée par des mains habiles, s’envole… s’arrache à la routine et s’en va explorer ces concepts de changement, de variation, d’évolution par et dans l’homme qu’« Unstille » signifie dans la langue de Goethe…