La Roumanie fait-elle rêver ? A l’heure d’un ardent débat public concernant le peuple issu de ce pays, je clame haut et fort que, oui, la Roumanie me fascine depuis des années. Loin de moi pourtant les questions de société, ce qui me passionne est la musique issue de ce pays, une musique unique, fière de ses origines, fortement enracinée dans le folklore de l’Europe de l’Est.

Créé en 1995, NEGURĂ BUNGET a connu de nombreux troubles au sein de sa formation dont deux se sont révélés très importants. Le premier est lié au départ, il y a quelques années, de deux des trois membres fondateurs et essentiels, Hupogrammos et Sol’Faur, laissant Negru, le batteur, seul pour réanimer le fantôme du groupe. Cela n’a pourtant pas sonné la fin de ce dernier : en effet, en 2010 est sorti l’album Vîrstele Pămîntului qui est, selon moi, malgré les nombreux détracteurs, un véritable chef d’œuvre et l’album le plus profond et authentique des roumains. La seconde et dernière grande tempête à traverser s’est déroulée en ce début d’année : chacun des membres de Negură Bunget a quitté le groupe, laissant Negru à nouveau seul pour retrouver de nouveaux musiciens, tous talentueux, à tel point que bien des oreilles ne l’auraient pas remarqué si l’information n’avait pas été révélée.

Atmospheric folk black metal, telle est la catégorie dans laquelle on peut classer Negură Bunget. Pourtant, cette classification ne rend pas justice à la musique créée par ce groupe. « Imaginez donc un voyage musical dans les terres ancestrales de l’Europe de l’Est, dans de verdoyantes forêts sauvages, dans d’isolées montagnes s’élevant majestueusement et pour lesquelles l’on peut sans honte vouer silencieusement un culte. Au fond, Negură Bunget ne correspond pas à du metal, pas à de la simple musique. C’est une ambiance, une sensation, un appel aux rêves d’aventures et de beaux paysages, un rappel que la nature est profondément puissante et belle », telle est la description que j’ai pu faire il y a peu de ce groupe (cf. chronique de concert de Rotting Christ à Nancy le 23/10/2013)…

Alors qu’en est-il de l’EP Gînd A-prins (Pensée Incandescente) ? Suite au bouleversement de la formation, Negură Bunget a-t-il perdu de son authenticité ?
Tout d’abord, il faut savoir que Gînd A-prins est un avant-goût d’une trilogie future, basée sur la Transylvanie, dont chacun des trois albums sera accompagné à la fois d’un long-métrage et d’une bande-son, sachant que le premier opus, Tău, est prévu pour le printemps 2014.

"Curgerea Muntelui" ("L’Ecoulement de la Montagne") est le premier morceau de cet EP et un teaser exclusif de Tău. Il montre ainsi le chemin que compte prendre Negură Bunget dans son futur proche et je dois avouer que j’en suis tout bonnement comblée. En soi, ce morceau n’a rien de révolutionnaire par rapport au passé du groupe, et plus exactement par rapport à Vîrstele Pămîntului, mais il est clair qu’une nouvelle direction est peu à peu prise. Ce dernier commence ainsi doucement, dans une ambiance créée par le clavier alors que la frappe assez tribale du batteur se fait ressentir. C’est alors au bucium (sorte de didgeridoo) de venir s’intégrer à la musique, puis à une voix entre parlée et chantée. Le morceau se calme alors pour laisser la trompette s’exprimer, avant que "Curgerea Muntelui" prenne une tournure plus metal à travers la batterie toujours plus forte et les hurlements qui se font entendre. Il s’agit finalement d’un morceau relativement calme qui laisse une grande place à la trompette, ce qui se révèle particulièrement agréable à l’oreille tant cet instrument se marie bien avec l’ambiance naturelle et mystique ici créée.

"Tăul Fără Fund" ("Epouvantable Bourbe") est le deuxième et dernier morceau de cet EP. Cette fois, il s’agit d’un morceau composé spécialement pour l’occasion avec pour but de donner une première idée de ce à quoi va ressembler la bande-son accompagnant chacun des longs-métrages. Cela est tout à fait cohérent : ce morceau à tout pour faire partie d’une bande originale d’un film dépeignant un aventurier solitaire perdu dans une nature sauvage. Avec un aspect « musique du monde », ce morceau instrumental est guidé tout au long par une flûte. Simple et sublime, "Tăul Fără Fund" me donne clairement l’eau à la bouche et me fait espérer une réussite des plus totales quant à ce long et ambitieux projet de Negură Bunget. A suivre…