‘Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage, polissez le sans cesse, et le repolissez, ajoutez quelquefois, et souvent effacez’ ; ce qu’énonce Boileau au sujet de l’écriture s’adapte –t-il à la musique ? en tout cas, le sujet a de maintes fois était débattu ; certains groupes sont de vrais ‘bosseurs’, des techniciens, musiciens émérites qui n’oublient jamais de pratiquer leurs gammes ou vocalises quotidiennes, mettant des mois à composer et peaufiner leurs morceaux tandis que d’autres artistes laissent libre cours à leur intuition, aimant jouer au ‘feeling’ ; l’idéal me direz-vous pouvant être un savant compromis entre les deux.
Alors pourquoi cette question en intro de cette chronique ? tout simplement parce qu’en matière de travail et de perfectionnisme, ARMORY semble en connaître un rayon ; jugez plutôt : ce groupe américain originaire du Massachussetts et crée en 2001 sort aujourd’hui son deuxième album en treize années d’existence ! et, croyez-moi, nous le verrons tout au long de cette chronique, ARMORY n’a pas passé ces treize années en dilettante ; tout ici est maitrisé, calculé, travaillé… reste à savoir si ce deuxième album ‘Empyrean Realms’ n’en est pas trop ‘aseptisé’, sans feeling ?

Dès le premier morceau, ‘Eternal Mind’, le son soigné et puissant saute aux oreilles ; l’ensemble des instruments, y compris la voix, est à sa place ; pourtant, l’album a été mixé, enregistré et produit par le groupe lui-même, preuve que ARMORY ne fait pas les choses à moitié. Joe Kurland, le guitariste et batteur studio, a créé son propre label ‘Metavania Music’.
Musicalement, ARMORY délivre un power-metal plutôt classique ; toutes les ficelles du style sont ici passées en revue avec brio : les riffs bien heavy à la GAMMA RAY, les soli de guitares techniques et mélodiques, les envolées lyriques, les accélérations à coup de double grosses caisses; même si les références classiques, on pense notamment à HELLOWEEN, sont fort présentes, cela n’en demeure pas moins énergique et frais. C’est souvent très ‘positif’, limite ‘happy metal’ à la FREEDOM CALL (‘Dreamstate’).
Techniquement, il va s’en dire que tous les musiciens du groupe maîtrisent à merveille leurs instruments ; il vous suffira de jeter une oreille sur l’instrumental ‘Horologium’ pour vous en convaincre. Sur certains morceaux comme ‘Beyond The Horizon’, le groupe flirte avec un metal progressif sans toutefois que cela ne tourne à la démonstration technique ‘soulante’ ; cela reste toujours pêchu et mélodique. On retrouve également des synthés et une touche ‘progressive’ sur ‘Inner Sanctum’, morceau pas trop ‘speed’. Car au niveau des rythmes, ARMORY sait aussi varier les plaisirs : entre les cavalcades bien speed à la STRATOVARIUS double pédales en avant, le groupe sait aussi caser des ralentissements et des titres mid-tempo.
La voix de Adam Kurland est belle et terriblement bien maîtrisée, y compris dans les envolées lyriques ; son timbre rappelle celui de Michael Kiske.

ARMORY a beaucoup de point de vue frôle la perfection ; ce professionnalisme ne se fait pas au détriment du feeling et de la puissance de la musique ; cela reste toujours très agréable à l’écoute. Le seul reproche que l’on peut faire au groupe est son manque d’originalité ; ARMORY gagnerait à marquer davantage son territoire en adjoignant une touche plus personnelle à sa musique.