Dans le genre messe noire ça fait longtemps que je n'en avais pas entendu une aussi poisseuse. Loin du satanisme propre d'une aristocratie décadente perdue dans des décors trop bien choisis, Corpus Diavolis propose une messe sous forme d'incantation crasseuse qui sent le fond de grotte, l'humidité des profondeurs habitée par le grouillement des insectes rampants les plus repoussants.
Tout contribue à cette ambiance, le son agressif et riche à la fois. Le mix respecte l'atmosphère presque changeante ou mouvante. Les guitares incisives disputent le tranchant de la voix aux multiples inflexions.
Un disque sans repos qui vous pousse dans vos retranchements. Il file un cafard profond, un malaise palpable. Le beau digipack servira de bible noire pour rentrer encore plus dans cette œuvre occulte. Outre les grimages bien dégueulasses et tout à fait à point ainsi que les noms, il y a les textes immersifs. Nous sommes happés dès le début avec "Primordial Chaos Reinvoked". Des relents du premier et excellent Grief Of Emerald. Aussi ce côté créatif explosif malgré une violence enragée n'est pas sans rappeler Emperor des débuts. Si ça blast et c'est malsain, ça n'en est pas moins réfléchi, construit intelligemment et avec une forte personnalité. Corpus Diavolis ne sacrifie pas la musicalité au profit de la violence, bien au contraire et expérimente son destin. Vous n'aurez donc pas une énième lecture orthodoxe des exploits d'un Gorgoroth, mais bien une voie personnelle tracée à partir d'anciens blasphèmes, continuant leurs chemins.
Et rapidement ils prennent une place de choix dans la scène black metal française. On a quand même de la chance non? Fhoi Myore, Darkenhöld, Corpus Diavolis etc...j'aurais rêvé d'une telle scène dans les 90's quand la déferlante noire m'a pris. C'est une vraie relève hexagonale à ce mythique black metal de la seconde vague! Chaque titre vous en convaincra. "Dark Matter Penetration" par ex et ses riffs extrêmes. Que c'est bon!
Pas avare en blasts, la cérémonie n'en est que meilleure avec ces vocaux vomitifs. Le cinquième titre en est la parfaite illustration pour un morceau quasi physiquement éprouvant. Le groupe maîtrise son "Secrets of the black arts" et sera également psychiquement éprouvant. Il suffit d'écouter leur sixième rituel pour me comprendre. Chair de poule, angoisse. Cette même impression vous restera sur "Sharp moon devils horns" avec ses riffs bien frosts et épiques dans la lignée des meilleurs Immortal.
Et que dire de "Executors of God" si ce n'est que son black en mid-tempo est glaçant, paralysant. La voix psalmodiant ses blasphèmes avec des arrangements de fin des temps rendent l'incantation paroxystique jusqu'à ce que celle-ci parte dans une tempête de violence vers deux minutes trente. "Mighty Satan rise" illustre parfaitement son titre tout comme "Karma convulsions".
Reste à découvrir ce groupe sur scène qui m'a fait ressentir à nouveau cette ferveur qui m'avait pris avec un "Live in Germania" par ex ou tant d'autres qui ont jalonné cette époque. Corpus Diavolis rajoute une pierre à son édifice noir, une vraie clef de voûte s'achevant sur un "Kosmos" angoissant.