C'est encore une fois en curieux que je me rends au Fil de Saint-Étienne. Le but d'un journaliste et dans mon cas, d'un chroniqueur, n'est-il pas de découvrir de nouvelles choses pour les faire partager au plus grand nombre ? Mais je dis cela sans prétention car le Fil n'a pas eu besoin de moi pour remplir sa salle ce soir. Non, je suis là pour rapporter ce que j'ai vu et vécu ce soir à des personnes qui instantanément ne se rendraient pas forcément à ce type de concert. Mais je m'adresse aussi aux curieux qui ont l'esprit ouvert car Monsieur KUSTURICA est exactement le type d'artiste dont l’œuvre pour s'avérer bouleversante pour peu qu'on y prête une attention particulière.

Mais avant de vous parler de KUSTURICA, revenons sur la première partie assurée ce soir par ZARATHOUSTRO. Il s'agit d'un duo constitué d'un violoniste et d'un percussionniste, respectivement Ruben TENENBAUM et Wassim HALAI. Nous deux hommes sont ce que l'on appelle des virtuoses. L'esprit est certes quelques peu expérimental mais l'énergie qui se dégage de leur musique est incomparable. Le style est très personnel mais inspiré par l'Orient, le Moyen Orient et je dirais un peu aussi par la musique tzigane des Balkans. C'est avec toute cette richesse musicale que le duo s'est lancé dans ce set improvisé dans des figures rythmiques parfois complexe. Malgré la touche expérimentale, le public semble se prendre au jeu même si les oreilles restent plus attentives que le corps, qui lui reste figé. L'expérience s'avère intéressante et ces trois quart d'heure agréables.

Passons maintenant à ce réalisateur exceptionnel accompagné par le NO SMOKING ORCHESTRA. Si l'on parle de KUSTURICA en tant que musicien, on ne peut s'empêcher de penser à lui en tant réalisateur. Cela me paraît être deux choses indissociables car étant l'expression artistique d'une même personne. Certains ont sans doute vu certains ses films comme ARIZONA DREAM (1993), LE TEMPS DES GITANS (1989), UNDERGROUND (1995) ou plus récemment LA VIE EST UN MIRACLE (2004). Cet ex président du jury du Festival de Cannes (2005) est donc aussi musicien et comme on pouvait s'en douter, un musicien d'exception. Tout comme pour ses films, difficile de le ranger quelque part. C'est un fourre tout musicale où se croisent les Balkans, le ska, le punk, le rock et j'en passe. En ce qui concerne les déplacements du NO SMOKING ORCHESTRA, prévoyez un grand tour bus car il faut pouvoir y ranger un batteur, un bassiste, un claviériste, deux guitaristes, un trompettiste, un accordéoniste, un violoniste, bref, pas moins de neufs musiciens plus des roadies. Et tout ce beau monde s'en donne à cœur joie sur cette scène du Fil. Il est clair que la bonne humeur se fait très vite communicative. Et même du haut de ses 63 ans, KUSTURICA n'a rien perdu de son humeur enjouée. Il faut dire que le style de musique y joue beaucoup. L'énergie est vivifiante et le spectacle garantie. C'est avec des accoutrements rappelant l'univers de Pancho VILLA que le groupe vous transporte déjà dans un autre temps. Cet accessoire est certes convainquant mais ce qui moi m'a réellement touché ce soir, c'est cette énergie musicale hors norme, pleine d'émotions diverses qui nous viennent d'horizons pourtant pas si lointains. Et à ce propos je dois dire que même si le public n'était pas si jeune, l'ambiance a été exceptionnelle ce soir.

En conclusion, je dirais que j'aimais déjà beaucoup KUSTURICA pour ses films, mais après ce concert, c'est son œuvre globale qui m'appelle. Et puis, quel homme ! Quel charisme ! Un groupe à revoir, sans hésiter ! Merci au Fil de nous avoir permis d'assister à un tel spectacle.