« FAIS-LE TOI-MEME » !
La scène Punk anglaise arrive à son apogée en 77/78 avec les Sex Pistols, les Clash et autres The Damned. Finalement, cette fameuse « grande escroquerie du rock’n’roll » n’était que l’équivalent d’un légitime droit réponse « made in Britain » lancé au visage de quelques extravagants ricains comme les MC5, les Stooges et encore les New York Dolls. L’ado moyen, version américaine, en a marre de la grosse machine rock’n’roll, frustré par une révolution hippie devenue has-been, rongé par le disco et autres paillettes, et exacerbé par une industrie du disque purement capitaliste… ! Pour lui aussi, le « rock » va mal, et, l’adage « on n’est jamais mieux servi que par soi même » va, à partir du début des années 80, révéler toute sa véracité ! DO IT YOURSELF !

L’émergence du hard-core se fait 20 ans après Woodstock (et ce n’est certainement pas une coïncidence !) dans une Amérique reaganienne, hostile aux arts de la rue et on ne peut plus conservatrice !
Les éditions Camion Blanc, nous proposent, presque dix années après l’édition originale, la traduction de « AMERICAN HARD-CORE » : énorme pavé, rempli jusqu’à la gueule d’anecdotes, d’images, de reproductions de flyers, d’interviews des survivants de l’époque…
Steven Blush, témoin activiste de cette nouvelle scène, rassemble ses souvenirs et archives, revisite son passé d’organisateur de concert et de rédacteur de différents fanzines underground et nous dresse le constat sociologique d’une ère qui verra naître une sous-culture à l’impact phénoménal. (Un documentaire inspiré du livre, sera réalisé quelques années plus tard par Paul Rachman).
MTV apparaît sur tous les écrans, lobotomisant une partie des teenagers. En réaction à cette aseptisation culturelle, de nouveaux groupes apparaissent… issus, pour la plupart, de la classe moyenne américaine, les protagonistes du mouvement hard-core US vont en moins d’une décade instaurer un climat de chaos artistique (et physique !), crachant sur leurs ainés « rockers » et sur une société confrontée à un inévitable déclin d’idées ! Allant jusqu’à renier les origines même du rock, les différents combos vont pousser comme des champignons au travers les Etats-Unis.
L’auteur nous fait parcourir le continent d’Ouest en est, de Los Angeles à New-york, des Dead Kennedy’s aux Cro-mags, de Black Flag à Agnostic Front… de DC au Michigan… des hard-coreux Rastafari « intégristes » Bad Brains jusqu’aux skin-heads des bas fonds new-yorkais ! Un melting-pot improbable, qui sous couvert de frustration et de rébellion, va, sans le savoir, enfanter un mouvement unificateur où la débrouillardise sera le seul mot d’ordre !
Malheureusement, en quelques années et seulement quelques milliers de vétérans, le style tombe dans les poncifs qu’il aurait souhaité éviter : Le hard-core se mêle au Metal, engendrant le crossover et une musique beaucoup plus mainstream ; Jello biaffra (Dead Kennedy’s) donne des conférences ; Suicidal Tendencies passe sur MTV, Glenn Danzig (The Misfits / Samhain) fait beaucoup de musculation, Henry Rollins (Black Flag) fait des apparitions dans Jackass...

Le livre est accompagné d’une discographie très complète, réservée en priorité aux puristes ou les collectionneurs de raretés.
Petit bémol tout de même : la traduction semble souvent approximative, quelques coquilles et « mots fantômes » se sont glissés de-ci de-là… (comme quoi l’esprit Hard-core n’est pas tout à fait mort !).
Reste que ce « American Hard-core, une histoire tribale », est un ouvrage que tout passionné de musique et de culture underground se doit de posséder.