Tous les gens de ma génération se souviennent sans doute de cette jeune et jolie chanteuse brune qui chantait avec légèreté et finesse le tube « Tout c'qui nous sépare » en 1991, puis son autre titre à succès « Natalie Wood ». Disparue des ondes et de nos chers médias sélectifs depuis cette époque, je pensais que Jil Caplan avait été l'artiste de quelques tubes comme des dizaines de ses comparses de l'époque. J'ai un peu honte après m'être renseigné sur sa discographie assez prolifique depuis toutes ces années et au regard de la diversité de ses activités. En effet, parallèlement à sa carrière de chanteuse discrète et boudée des médias français, dix albums au compteur tout de même, elle est également auteure d'un roman « Le feu aux joues » et a joué dans plusieurs pièces de théâtre.

N'étant pas féru de chanson française, c'est avec une certaine appréhension que je glisse le CD dans ma platine. D'entrée, je suis troublé. La voix n'a pratiquement pas changé, juste un grain un peu plus grave qu'à l'époque, mais je reconnais de suite cette émotion un peu nonchalante du timbre de Jil, comme si les années n'avaient eu aucune prise sur elle.

Le premier morceau « Tout éteindre » me surprend par l'ambiance un peu exotique des rythmiques dansantes, provoquant une certaine transe bienvenue. « Courage » enfonce le clou avec cette jolie nonchalance dans la façon de chanter, cette poésie qui en découle et surtout cette vérité qui transparaît de ce timbre toujours aussi beau, doux, unique.

« Animal animal » voit la chanteuse s'attaquer à un registre un peu plus pop vintage, un petit côté Rita Mitsouko dans l'atmosphère et la basse ronflante bien en avant qui fait très plaisir. Puis l'un des plus beaux titres de l'album m'envoûte, « Virginia », valse lancinante propice à l'évasion et qui parle du destin tragique de Virginia Woolf, ornée d'une guitare colorée et superbement aérienne.

Nous traversons avec délice tout cet album vêtu de plusieurs univers, que ce soit le folk-rock de « Bleu existentiel » et « Daronne », avec un beau texte sur le manque du fils parti vivre sa vie loin de sa mère, les mélodies subtiles et les arrangements vocaux de toute beauté de « Même Marilyn », les rythmes dansants de « Être heureux », « Tu te lasses » et l'ambiance un peu tribale de « Feu ! » où l'on se libère le corps et l'esprit au son de quelques percussions vaudou.

Les beaux textes ne manquent pas, comme ce « Il n'y a rien entre nous » qui parle d'amour un peu contraint voire résigné. On termine avec le petit épilogue « Oh Yes very mush » sur des sons de rues new-yorkaises, où l'on perçoit un léger « Marilyn » chuchoté…

Cet album est un accomplissement et une belle collaboration musicale et certainement humaine, une forte osmose entre les mots de Jil et la musique d'Emilie Marsh, grande mélodiste et compositrice de notre temps, entre autres pour la regrettée Dani. « Sur les cendres danser » est un ravissement artistique et n'a pas à rougir à côté de ce qui est lourdement et outrageusement diffusé dans nos cerveaux à longueur de journée.

En effet, quand je vois et j'entends toute cette scène française qu'on veut nous imposer depuis quelques années, sans couleur, ni talent, juste des attitudes fadasses ou provocantes, des sentiments forcés et une totale absence d'âme et de vérité, je me dis que cette artiste nous fait du bien et devrait remplacer les trois-quarts des pseudo-musiciens français du moment. Elle les supplante toutes et tous au niveau de l'émotion, de la poésie fragile et ombragée et de la musicalité. Merci Jil de nous ravir de votre univers intimiste et passionnant, votre intégrité et votre talent sont intacts.