CHRONIQUES ALBUMS

Tout comme Burzum a su le faire, Drudkh a su délivrer des riffs atmosphériques d’exception dès leur premier album Forgotten Legends. Pilier indétrônable du black pagan atmosphérique, les Ukrainiens content, au fil de leurs sorties, bon nombre de poèmes inspirés des plus grands noms de leur pays. Ce savoir-faire s’allie à une composition particulière, des arpèges et accords incorporés aux titres par de gracieuses progressions. Les éternels interludes folks acoustiques ou ambiants (faits de nappes de guitares superposées) sont toujours au rendez-vous sur Shadow Play. Une guitare acoustique semble être de passage sur The Thirst, ou bien est-ce une kozba (guitare arrondie dépourvue de frettes que l’on peut trouver en Europe de l’Est), précédemment utilisée chez Drudkh ? Quoi qu’il en soit, le jeu des cordes reste basé sur du tremolo riffé à la pelle et sur quelques soli plus heavy qu’à l’accoutumée, même si l’on ne peut comparer avec The Swan Road, qui reste un des albums les plus représentatifs en termes de solos de guitare.
Ainsi, Drudkh reste et perdure sur un mid-tempo lancinant, mémorable et entêtant.

Shadow Play est définitivement l’un des albums de Drudkh les plus sombres et mélancoliques que le groupe ait pu créer.
L’atmosphère élégiaque définit le caractère abattu, désemparé du chanteur, sur les trois quarts de la galette. Le chant de Roman Blagih, alias Thurios, est plaintif et empli de désespoir, avec des phrases souvent composées de deux syllabes, crachées férocement jusqu’à bout de souffle.

Ce ne sera qu’à partir de The Eve que les synthés éclairciront succinctement l’ensemble avec, çà et là, des notes aiguës pointées, marqueurs du temps qui s’écoule. Tout comme le relate par ailleurs le vidéoclip sorti il y a peu, où l’automne tant attendu montre le bout de son nez. Alliant mélancolie et brume songeuse, la sinistre saison fait écho à la vengeance d’un personnage animé voyageant par les mers et les airs dans l’unique but de tuer le démon qui aura coupé les vivres à ses campagnes fragiles. La fin se traduit par un renouveau sous le signe d’une fleur enracinée de nouveau, comme privée de son existence puis ramenée à la vie.
Rappelons que lors de la sortie du dernier album, All Belong to the Night, en 2022, le conflit russo-ukrainien faisait déjà rage. Drudkh pleure ces âmes perdues, et plus particulièrement, deux ans plus tard, celle d’Amorth, batteur des premières années de la formation, parti lors des combats.

L’ensemble du disque préfigure cette dimension totalement atrabilaire. L’ambiance funeste de la poésie proposée renvoie aux profondeurs humaines, tangibles, fragiles et éphémères.
Pour autant, les musiciens, adossés aux cris de peine, sonnent le glas de la révolte et du renouveau. À l’évidence, le moteur de ces hommes de la terre est l’union des forces, dans les passages difficiles dont la vie sanctionne ou dans l’ivresse, la richesse et la plénitude. Drudkh a toujours su nous emporter dans ses longues compositions au goût amer, puis fleuri, parfois tristes mais toujours conquérantes. Si les artistes se mettent au travail une fois de plus, c’est bien pour nous signaler que le pays (au sens territorial du terme) n’est pas mort.
Les titres des plages rappellent les saisons et, par extension, l’idée de cycle.
Un cycle court dont les initiés voteront un supplément au plus vite. On se consolera donc avec la fonction replay de nos mange-disques. À paraître chez Season of Mist le 21 mars prochain.

Tracklist :
Scattering the Ashes
April
The Exile
Fallen Blossom
The Eve
The Thirst