CHRONIQUES ALBUMS

Qui a dit que le black metal made in France était moribond ? Rien n’est moins vrai quand on jette une oreille attentive à BERLIAL, un duo composé d’HellSod (guitares, basse, chant, programmation) et CzH (chant lead, claviers, paroles). Avec ce projet initié durant la pandémie de Covid-19, les deux musiciens ont décidé de mettre en place un black metal abrasif, iconoclaste et viscéralement élaboré. Ainsi, après Enfants de Putains, un premier méfait sorti en 2022 chez Narcoleptica Records, marqué par une teinte black’n’roll assumée, BERLIAL revient en force avec Nourishing The Disaster To Come via Source Atone Records. Ce nouvel album conceptuel puise autant dans des éléments électroniques, post-rock ou quasi dungeon synth que dans le blackgaze et l’expérimental. Thématiquement dense, le disque s’articule autour de la chute inexorable de l’humanité, entre catastrophe écologique, effondrement civilisationnel et fuite illusoire vers l’espace… Tout un programme !

Dès les premières secondes de l’introduction de l’opener The Last Dance, on est happé par une ambiance dystopique : des nappes de clavier synthétiques angoissantes laissent place à un black metal rentre-dedans. Les rythmes changeants, les mélodies parfois dissonantes et le chant de CzH posent les bases du voyage sonore déroutant que propose Nourishing The Disaster To Come. Au fil des titres, qui oscillent entre six et douze minutes, BERLIAL nous plonge dans un univers riche où se côtoient black metal inspiré et interludes froids et mécaniques (Nouveau Monde, Nourishing The Disaster To Come…). Construites sur des structures à tiroirs, les compositions révèlent les multiples facettes hybrides du duo (We Deserve To Fall Again), tandis que certains morceaux chantés en français permettent à l’auditeur de mieux saisir la force des textes (Nouveau Monde, Ivresse De La Finitude, Le Néant Pour Éternité).

Mine de rien, des titres comme Nourishing The Disaster To Come, Nouveau Monde ou We Deserve To Fall Again insufflent une dimension subtile à l’album en abordant les ravages de l’addiction et l’autodestruction sous toutes leurs formes. En fil rouge, l’album suit un personnage, témoin de la folie humaine, qui cherche à se suicider par l’alcool. Un choix narratif qui confère une profondeur supplémentaire à l’œuvre, renforcée par une production soignée alliant puissance et clarté. Difficile, à partir de là, de ne pas ressentir l’urgence qui habite ces compositions, ce reflet d’un monde au bord du gouffre...

Au final, Nourishing The Disaster To Come est une œuvre exigeante, immersive et profondément évocatrice. BERLIAL ne cherche pas à plaire au plus grand nombre, mais propose une expérience sonore riche et atypique qui marquera les esprits les plus aventureux des amateurs de black expérimental. Un album qui confirme le potentiel du duo et qui, à défaut d’annoncer des jours meilleurs, accompagne parfaitement notre chute programmée…