CHRONIQUES ALBUMS

Formé en 2021 et parent d’un seul EP, la formation bordelaise MORTUAIRE engendrera le 7 mars 2025 son premier album, intitulé « Monde Vide ».
Fort d’un mélange de sludge et parfois même de doom, MORTUAIRE s’identifie malgré tout comme un groupe de death metal, et qui plus est, chanté en français.

Quels groupes de death metal chantent en français de nos jours ? Il n’est pas difficile d’en dénicher dans le black et peut-être même dans le doom, cependant, dans le death, il faut avouer que malgré les nombreuses formations françaises et francophones du genre, peu d’entre elles persistent et signent des paroles tricolores. Misanthrope, Trust ou encore quelques titres de pontes du genre ont pu transcender les us et coutumes qui poussent la plupart des artistes à se diriger vers la langue de Shakespeare.

Ici, le verbe d’Heddy Omer se traduit par des complaintes apostrophées, des mots esseulés jetés entre deux riffs. Pas de place pour les phrases longues et la philosophie. MORTUAIRE empale sèchement avec virilité et rigueur. Le chant en français s’introduit parfaitement dans l’ambiance et crée un pont entre la profondeur du combo batterie/basse/voix et la surface interprétée par les guitares. Cette osmose fait sensation et la langue vient alors renforcer la compréhension du propos et, par là même, l’introspection.

Les cris résonnent au creux d’une catacombe mais sont également perçus comme des appels lointains résonnants. Cette voix immémoriale et absorbante rappelle celle de Franz Treichler, qui officie sur du rock électronique au sein de THE YOUNG GODS.

Le rythme est, pour ma part, la seconde opportunité saisissante dont le groupe a su s’agripper. Le tempo se ralentit lourdement sur le titre éponyme, au point de s’achever sur un decrescendo vocal descendant tout droit vers les entrailles de la terre.
Le titre, de presque 10 minutes, propose des riffs absolument percutants, autant sur le style death que sur les sensations doom créées par les variations rythmiques.
« Pyramide d’Or » se compose sous une teinte totalement doom, d’ailleurs. Pour autant, cet axe reste mineur en rapport au death trempé d’accords saturés et de riffs en apesanteur.
Après tout, les musiciens, pour la plupart, proviennent tous de formations stoner et sludge (Endless Floods, Year of No Light, Âge ⱡ Total).

La lenteur se confère à des larsens et une voix gutturale binaire, d’une lourdeur tant sur le rythme que l’intonation. Des notes aiguës métalliques viennent renforcer cet aspect troublant de discontinuité, qui casse un tant soit peu la descente vers ce « vortex tranchant » et parvient même à additionner au précipice une mécanique tonique et sidérale.
« Tranchant » interrompt cette linéarité morbide avec des riffs bien old school dont pléthore des basiques (DISMEMBER entre autres) pourraient se targuer de leur natalité. Tranchant et sommant comme une feuille de boucher, MORTUAIRE fait appel aux référents, BOLT THROWER en figure de proue.

On retient beaucoup de subtilités de ce premier album. Malgré sa courte durée, les cinq titres offrent un solide avenir au groupe. Par son style, son rythme, son ambiance et son verbe, l’auditeur peut désormais compter sur une fondation stable pour MORTUAIRE. À se procurer d’urgence via le label breton World Eater Records.


Lineup :
Chant : Heddy Omer
Batterie et percussions : Benjamin Sablon
Basse : Xavier Godart
Guitare électrique : Shiran Kaidine
Guitare électrique : Stéphane Miollan