CHRONIQUES ALBUMS

Pointure suisse d’un genre que l’on pourrait qualifier de « rock théâtral » tant le caractère dantesque et grandiloquent de sa musique et de ses performances scéniques est appuyé, Silver Dust revient cette année pour livrer au monde son cinquième méfait : « Symphony of Chaos ». La bande du Lord Campbell, qui signe avec ce disque le retour de son batteur historique Mr. Killjoy, promet dans cet album une exploration de l’âme humaine à travers une fusion puissante de mélodies épiques, de riffs tranchants et de voix aussi puissantes que raffinées. Un programme fort alléchant !

« Fire ! » ouvre fougueusement le bal avec ses guitares lourdes et percutantes qui ont de quoi saisir sans détour l’attention de l’auditeur. On retrouve les sonorités typiques du groupe et ses ambiances gothiques, entre un Tiamat et My Dying Bride, dès le premier couplet porté par la voix profonde du Lord. Le titre frappe par l’habile alternance de ce genre d’atmosphères, à la fois calmes et angoissantes, et la brutalité des refrains dans lesquels les vociférations de Campbell résonnent comme un exutoire à sa rage créatrice. Si cette touche presque metalcore peut, venant de Silver Dust, surprendre de prime abord, elle s’avère caractéristique de ce nouvel album. Des mots de son chanteur, le groupe ne s’est fixé aucune restriction sur la composition de ce disque ; il ose tout, et ça fonctionne !

« Salve Regina », dans un style très indus et symphonique à la fois, ne rompt pas cette dynamique et ses riffs nous écrasent à la manière d’un Gojira. Magnifié par de sublimes chœurs et orchestrations, le morceau, qui se veut un appel à agir et à briser le cycle des erreurs humaines, entraîne de son envoûtante noirceur l’auditeur vers les abîmes les plus sombres du groupe.

On découvre au fil de l’écoute toute la diversité des influences du Lord, allant du metal au classique en passant par la musique électronique. Le disque s’aventure sans peur dans toutes ces inspirations et, si ces excursions à travers les genres en font l’une de ses grandes forces, il faut aussi souligner la justesse avec laquelle il synthétise toutes les facettes de la personnalité artistique de son compositeur. Ainsi, des morceaux comme la dansante « Devil’s Dance » ou l’explosive « I’m Flying » se démarquent particulièrement par la symbiose dans laquelle les éléments electro et metal qui les composent se subliment mutuellement. Les jolis arrangements dont bénéficie l’album lui confèrent la touche symphonique qui contribue indispensablement au charme de Silver Dust et à l’expression de ses influences parfois très « burtoniennes », notamment sur « No Matter How Far Away » et le titre bonus « Le Squelette Crâneur », une valse macabre et poétique chantée en français.

Mention spéciale à l’entraînante « The Masters of Fright », qui fait presque dans le nu-metal avec ses parties vocales effrénées évoquant inévitablement un certain Serj Tankian. Un ovni diablement réussi dont les aspects théâtral et circassien sont mis en exergue par une ingénieuse reprise de la fameuse chanson de Léo Daniderff, immortalisée dans le film « Les Temps Modernes » par la cultissime interprétation de Chaplin. Une ambiance freak show et psychédélique qui sied particulièrement bien au groupe.

Tout au long de ses douze titres, « Symphony of Chaos » ne cesse de réinventer l’univers de Silver Dust avec une puissance et une précision indéniables. Le temps nous dira s’il s’agit jusqu’alors, comme Lord Campbell le laisse entendre, du meilleur album du groupe ; c’est en tout cas probablement le plus aventureux et le plus personnel qu’il ait écrit, à l’image de la poignante ballade « Goodbye ».