CHRONIQUES ALBUMS

Mine de rien, on commençait sérieusement à douter d’un retour de MINDLAG PROJECT. Huit ans après Clinamen, et autant depuis leur dernier effort éponyme, le groupe de Vitrolles sort enfin son nouvel album, Exophronicon. Une attente interminable pour les fans de la première heure, surtout après une première annonce de sortie fin 2023… qui n’a jamais été honorée ! Mais le groupe n’a pas totalement disparu des radars, distillant avec parcimonie quelques singles bien sentis entre 2023 et 2024 avec « Exophronicon », « Shrapnel », « Cast a Shadow » et « Triumvirat » – histoire de maintenir la tension. Et autant le dire d’emblée : l’attente en valait la peine.

Toujours mené par les frères Martinez – Manu à la guitare, Julien derrière les fûts – seuls survivants du line-up originel, MINDLAG PROJECT revient avec une formation solidifiée, intégrant les frères Marschal (Florent à la basse, Fabien au chant) et le guitariste Romain Dallier. Ensemble, ils nous livrent un disque dense, exigeant et hautement conceptuel. Car Exophronicon, ce n’est pas juste un album, c’est une plongée en eaux troubles dans l’univers de Jon De Grimpclat, personnage fictif que le groupe a façonné depuis des années. Jon, possesseur d’un grimoire occulte relié en peau humaine hérité de son grand-père, Fyodor, serait en contact avec une entité nommée Mekhrath, sorte de déité d’énergie pure à qui il livre des âmes damnées. Ambiance.

Musicalement, MINDLAG PROJECT continue de jouer les funambules entre death, thrash et hardcore, avec ce refus de s’enfermer dans une case bien définie. Les titres sont puissants, bien ficelés, et n’hésitent pas à sortir des sentiers battus : dissonances maîtrisées (« Triumvirat »), alternance de chants gutturaux et envolées aériennes (« Exophronicon »), rythmiques syncopées (« Erebos »), « 10h57 », …), cassures imprévues, instrumentaux et interludes (« Eros & Thanatos », « Dedale »)… tout est là pour bousculer l’auditeur sans jamais le perdre. On sent que rien n’a été laissé au hasard. Le jeu de batterie, en particulier, impressionne par sa précision et sa capacité à relancer les morceaux au bon moment (« Alea Jacta Est », « Crève).

Là où Exophronicon frappe fort, c’est dans sa capacité à allier ambition narrative et cohérence musicale. Malgré la diversité des ambiances – parfois carrément schizophréniques – l’ensemble tient la route, preuve que les compositions, bien que probablement écrites sur la longueur, ont été peaufinées avec soin. Mention spéciale à « Cast a Shadow », au tempo ralenti, qui prouve que le groupe peut aussi briller dans l’introspection sans perdre en intensité.
Côté production, rien à redire : c’est propre, massif, équilibré, avec ce qu’il faut de rugosité pour ne pas tomber dans un album trop lisse.

Bref, Exophronicon est une bonne surprise. Un album dense, noir et habité, qui confirme que MINDLAG PROJECT n’a rien perdu de sa force créatrice. Si les musiciens prennent leur temps pour sortir des disques, c’est sans doute parce qu’ils visent l’essentiel : un metal intelligent, viscéral, et surtout libre. Et ça, on ne peut que le saluer.