CHRONIQUES ALBUMS

PRIMORDIAL BLACK est un groupe originaire de Tunisie formé en 2022, avec à sa tête Yasser Mahammedi-Bouzina (grand fan de "CELTIC FROST") et son comparse Walid Chaaben (guitare et basse). Au premier abord, tous les ingrédients du black metal sous influences sont présents. Seulement, au fil de l’écoute, nous sommes captivés par l’originalité et la présence qu’on nous offre, avec intérêt, puis addiction…

Les riffs sont dissimulés sous des lignes de basse intenses, linéaires comme des poids frappés sur une immense balance, un mouvement en aller-retour que l’on retrouvera tout au long de l’album. Ce son renvoie aux grands mages de cette chapelle du black metal, que sont "Behemoth", "Celtic Frost", "Rotting Christ", mais aussi "Gaerea" pour les éléments furieux et astraux dissimulés par moments de manière plus hachée.
Sur le titre éponyme, on ressent une pâte de chacun des groupes cités mais aussi une marque de fabrique propre à PRIMORDIAL BLACK, qui serait d’ajouter des nappes électroniques ainsi que de ralentir le rythme pour secouer l’ensemble de l’orchestration par la suite. Des guitares entrecoupées, une voix mélangeant black et death avec hargne, haine et lourdeur dans les graves. Le mélange est surprenant et profite d’une production nette, comme l’était déjà leur EP "Monas Hieroglyphica" sorti en janvier 2024.

L’escalade continue titre après titre avec "Sowing Discord", où la pureté d’un son étouffé se laisse embrasser de notes de guitare claire. L’introduction nous berce avec sublime vers des riffs plus saccadés et discontinus auxquels s’ajoute une voix connue. Il semblerait que les Tunisiens ne se contentent pas d’influences notables, car ils auront bénéficié de la participation exceptionnelle ici de Sakis Tolis ("Rotting Christ"), invité spécial pour ce titre.
La basse garde une ligne claire et linéaire, acceptant la lourdeur en dépit du tourment que peuvent évoquer les breaks.

Le seul point faible, s’il en est, pour cet album, serait qu’il puisse presque être considéré comme un EP. En effet, une introduction et un intermède viendront entourer les cinq titres de Dark Matter Manifesto. À en juger cependant par la qualité de la musique, on ne pourra que se contenter de cette absence quantitative.
Après une vingtaine de minutes d’écoute, il ne nous reste que le dernier péché de la galette à se mettre sous la dent. Savourons au maximum et enorgueillissons-nous de cette pépite spatiale aux accents sulfureux et malsains qu’est "Dun of the Celestial Birds". Nous assistons à une plongée dans un univers lacustre et lunaire, des voix entrelacées black et death, des remous abyssaux régurgités par une terre tremblante, un riff dissonant et torturé sur la fin vient s’emparer de nos derniers espoirs de lucidité. Un délice du purgatoire !

La frontière avec le doom n’est jamais très loin avec PRIMORDIAL BLACK. "Iconoclast" se présente comme une ode au rêve obscur, une descente effrayante vers des montagnes immergées d’un monde à l’envers. Cette torpeur nous enlace et ne nous lâche plus, que l’on soit disciple ou despote. Le groupe précise par ailleurs leur vision de leur propre musique comme une confrontation spirituelle :
« Ce que vous entendez, ce ne sont pas des chansons, mais des échos, des fragments de quelque chose d’ancien. Ils parlent de langues forgées par l'isolement, hantées par l'intrusion, attirées vers le puits gravitationnel de la mort et de la folie qui s'enracine au-delà du voile. »

Cette offrande est une découverte que l’on salue honorablement et dont on souhaite vivement voir l’ampleur sur scène. Reste à voir si les Tunisiens pourront faire le déplacement dans nos contrées à l’avenir…
Yasser nous offre également une interview en lien avec cette chronique. Je le remercie pour sa passion dévouée, ainsi que sa réactivité et sa gentillesse.