CHRONIQUES ALBUMS

Dix ans que MANTRA trace sa voie, entre clairvoyance artistique et fureur canalisée. Avec Celestial, le groupe ne se contente pas de sortir un nouvel album : il orchestre maintenant un rituel, un cycle, une année cosmique gravée dans le sillon de la Terre et des étoiles. Après les expérimentations métaphysiques du disque précédent, Medium, Celestial prend racine dans un sentiment d\'impuissance face à l\'effondrement – celui du monde, de l’espèce, de la civilisation. Un disque-totem, divisé en quatre saisons comme autant d’actes d’un opéra métal et spirituel... Tout un programme !

Fall, le premier chapitre de cette tétralogie, s’ouvre avec \"Messenger\", convoquant un côté mystique assumé et des guitares tantôt tranchantes, tantôt baignées de lumière. On y entre sans boussole, happé par une écriture sinueuse où le chant se fend, se fracasse, devient incantation. \"Illumination\" apaise ensuite les tensions, laissant place à une composition plus dépouillée et lumineuse, presque fragile, qui s’achève sur des nappes de piano solitaires. Enfin, \"Premonition\" flirte avec des réminiscences à la TOOL, sans rien enlever à la cohérence de cette première offrande automnale, teintée d’urgence et d’introspection.

Avec Winter, MANTRA plonge plus profondément dans l’ombre. Le propos se durcit, les textures s’épaississent. Le froid n’est pas qu’un climat : c’est un état de l’âme, une plongée dans les profondeurs d’une humanité aux abois. Mais c’est avec Spring et son unique titre \"Home\", que le groupe surprend vraiment. En presque 16 minutes, il esquisse une renaissance à la fois douce et mystique. Le oud et le piano y dialoguent avec des percussions chamaniques, et les chœurs dessinent les contours d’un monde rêvé, comme un refuge improbable au sein du chaos. MANTRA tente ici une forme de réconciliation : entre passé et futur, entre ce qui a été détruit et ce qui pourrait encore émerger...

Enfin, Summer prend la forme d\'apothéose sur ce double LP avec un final cataclysmique au travers des titres \"Transcendence\" et \"Celestial\", mais porteur de lumière, qui alterne entre fureur et mélodies recherchées, le tout auréolé de cette inlassable recherche d’un sens au sein d’un monde qui semble en avoir perdu.

Bref, ce qui frappe dans Celestial, c’est son ambition totale. Non seulement musicale – polyrythmies, arrangements ciselés, diversité instrumentale allant jusqu’au oud – mais aussi narrative. Conçu comme un tout, cet album refuse les concessions et s’impose d\'emblée comme une œuvre d’art immersive, pensée à la fois pour le disque et la scène. Chaque saison devient un lieu, un décor, un souffle unique. Le groupe propose un disque en forme d\'invitation au voyage, qui ouvre des failles et permet à l\'auditeur de se poser des questions au fil de son introspection.

Avec Celestial, MANTRA signe sans doute son album le plus abouti. Une fresque spirituelle sur la fin d’un monde et, peut-être, l’espoir d’un autre. Voilà une œuvre qu\'il faut prendre le temps de découvrir, d\'écouter plusieurs fois pour bien appréhender son impressionnante cohérence. Chapeau bas !