CHRONIQUES ALBUMS

Voilà près de 25 ans qu’Arsonist contribue à fleurir les bacs avec son projet de grand solitaire, ARS MORIENDI, un chant du cœur où l’Histoire s’associe à l’Art de Mourir. Cette appellation pourrait se définir comme le musicien nous le proposait déjà en 2014 : “Car s'il est un art de bien mourir, il n'est que l'œuvre du pourrissement”. La puissance déchirante d’un black metal contrôlé et le coup de poing historique des combats d’autrefois décrivent l’ambiance d’ARS MORIENDI.

L’album débute sur la thématique des guerres de Religion, plus particulièrement sur ce premier titre éponyme, et brosse le tableau du massacre de la Saint-Barthélemy. La bataille est annoncée par le discours de Pierre de Ronsard (1562). Arsonist nous livrera tout au long de son œuvre de multiples extraits d’allocutions et autres citations de différents écrivains et poètes français. Cet appui historique renforce la véracité des textes et la force ainsi imprégnée dans la rage du chant et la mélodie de ces ritournelles.
La production modernisée d’un album traitant de ces sujets-là contrebalance avec le passéisme de l’Histoire, un devoir de mémoire tout en musique. Les sujets dansent tandis que les rois s’entretuent. La plèbe survit tant bien que mal au fracas d’une noblesse autrefois déchirée, perdue entre protestantisme et catholicisme.
Arsonist s’attaque cependant à différentes époques de l’Histoire tout en gardant une tonalité naturelle et primitive. Après les batailles de la Renaissance, l’auteur nous décrit la condition de bourreau, usant de sa guillotine pour régler le compte de ceux qui étaient le “diable incarné”.
La mort est présente sur chaque titre mais revient en brillance sur “Puisqu’elle est éternelle”, où l’auditeur peut méditer sur une citation d’Alfred de Vigny : “À voir ce que l’on fut sur terre et ce qu’on laisse, seul le silence est grand ; tout le reste est faiblesse”.

Les compositions sont compartimentées et entrecoupées de passages parlés. Le rythme ainsi cassé, la mélodie peut s’aventurer dans des sphères plus progressives et parfois électroniques, mais toujours en revenant sur une trame de fond irréductible et maîtresse de l’ensemble. Par exemple, la guitare et les chœurs peuvent évoquer des formations comme Darkenhöld ou Aorlhac. Le rythme d’Arsonist est cependant plus doux et intègre une autre forme de révolte, plus secrète, ou en tout cas inimitable.

Les nappes électroniques s’immiscent çà et là, parfois comme des sons de pas. Une batterie programmée peut aussi prendre une forme plus électro ou dark wave, ce qui démontre l’apanage du musicien. D’autres éléments dissemblables apparaissent, comme ce sample presque cinématographique qu’on peut retrouver dans une rythmique purement dub, en guise d’intro de “Sur la lune ou aux enfers”. À cela s’ajoute le piano, qui sublime par sa présence, agrémenté de notes de synthé adoucissant les vers murmurés ou growlés.
Les introductions, souvent douces, sont délibérément poussives et étirées vers une attaque de plein fouet affichant un black metal maîtrisé. On navigue donc sur plusieurs plages émotionnelles avec le style d’Arsonist.
De nombreux écrits tentent de définir la chapelle sous laquelle se cache l’auteur et il est vrai que cela n’est pas chose facile. Mêlant l’ambiant et le dark, le progressif et des influences des plus grands noms du heavy metal, l’orchestration d’ARS MORIENDI se rapprocherait peut-être d’un black metal au clair-obscur, dompté par la mémoire et l’amour de l’Histoire de France.


Tracklist :
1. Leur esprit marche dans les ténèbres
2. L'abbé de Monte-à-Regret part.I
3. L'abbé de Monte-à-Regret part.II
4. Trouver la fontaine
5. Puisqu'elle est éternelle
6. Sur la lune ou aux enfers
7. Outro
8. The Reign of Chaos and Old Night (Elend cover)