CHRONIQUES ALBUMS

Stefan Traunmüller est un homme aux multiples projets, mais aussi un grand rêveur, randonneur, multi-instrumentiste, prolifique et consciencieux. En effet, l’Autrichien vogue entre tous les styles de black metal, gothique, atmosphérique, mélodique… L’artiste officie dans de très nombreuses formations côté chant, en tant que musicien grâce à la pléthore d’instruments dont il joue, mais aussi le mix, l’enregistrement et le mastering en qualité de designer du son (Soundtempel Studio, Allemagne).
Sous la houlette de RAUHNACHT, il entreprend de nous transporter une fois de plus dans des paysages alpins dont les hauts sommets étendent la vision de l’homme, heureux de considérer les légendes de ces contrées mystérieuses.

L’artwork de l’album représente parfaitement le style musical et ouvre l’auditeur à une meilleure compréhension de l’univers de RAUHNACHT. Le Percht, figure monstrueuse provenant des Alpes qui chevauchent la Bavière et l’Autriche, surplombe un petit village terré au creux des montagnes enneigées. La légende raconte qu’il existe deux grandes familles de Percht : les bons (Schönperchten) et les mauvais (Schiechperchten). La talentueuse Joanna Maeyens, artiste dessinatrice et chanteuse (Cercle Du Chêne notamment), a créé cet univers fantastique où les deux mondes de « Zwischenwelten » (les mondes entre les mondes) se rencontrent.
RAUHNACHT est le nom donné aux douze nuits entre le 24 décembre et le 6 janvier, pendant lesquelles les démons de l’hiver et les Perchten célèbrent leur chasse sauvage à travers les villages alpins et les forêts intemporelles.

Personnellement, j’avais bien accroché à « Unterm Gipfelthron » (2018) qui offrait une palette de couleurs dans la diversité des instruments et l’intensité des chœurs montagneux. La découverte du line-up additionnel au talent du géniteur m’avait une fois de plus fait sombrer dans les méandres de Metal Archives. Et c’est dans ces moments-là que l’on prend acte de l’accomplissement d’une scène, dont la toile s’est tissée au fil des années grâce à des acteurs impliqués et passionnés. Tant d’invités et musiciens se sont impliqués dans le projet de RAUHNACHT afin de développer leur art au travers du monde imaginé par Stefan.
Ces « Mondes parallèles » ont nourri la réflexion de Stefan pour ce nouvel opus, qui se veut plus sombre. Rassurons-nous, l’aspect épique et glacial est toujours aussi présent.

D’emblée avec le premier titre, les guitares et la voix glacent les profondeurs d’un fossé entre les mondes. La batterie creuse ce gouffre où s’assemblent le matériau et le spirituel.
Chargées de tremolo picking, les mélodies sont épiques et sous-entendent une quête de la bête précédemment citée vers quelque dernière offrande. Dans les chœurs en voix claire, il y a cette chaleur humaine qui résiste à l’environnement opposé.
Chaque titre s’inscrit comme un chapitre avec un début et une fin. On est clairement sur un black metal composé en étapes. Les intros donnent le ton et indiquent la puissance vers laquelle le thème va nous emporter.
La batterie sur « Letzter Pfad » utilise un spectre large, avec une introduction aux tambours et un blast effréné sur les couplets. Difficile, ne serait-ce que sur ce titre, de ne pas reconnaître les nombreuses influences du musicien. Les riffs de guitare renvoient à Bathory et la mélodie pourrait même faire penser à du Dissection. Le supplément dungeon synth garde une touche légère et très ponctuée, les notes de synthé s’apparenteront tout au fil de l’album aux pas du Percht, froissant le manteau neigeux.

Comme l’indique la formation sur son site internet, RAUHNACHT est du pur « Alpine Black Metal » (ABM). Basé sur des fondations solides des légendes de la vague norvégienne, le style se développe autour des traditions, de mythologie celtique et de nature alpine.
Cher à Hyver d’Antiq Records, la philosophie d’un tel projet et sa résonance ont parfaitement leur place au sein de son label. De plus, les liens entre les deux artistes sont forts (dus aux collaborations antérieures) et c’est en toute légitimité que la maison de disque du Pays de la Loire nous offre cette sortie.


Lineup :
Stefan Traunmüller : voix, tout instruments