Jesu, ou comment sortir cinq disques en une année. Album, split, EP, compilation, rien n’a été oublié. « Lifeline » vient clore la longue liste en octobre 2007 avec quatre titres inédits dont il nous reste à discuter la qualité. « Conqueror », l’album sorti cette même année n’ayant pas fait grande impression sur moi, j’abordai « Lifeline » avec un peu d’appréhension. En quelque sorte, j’ai fait quelque chose que vous n’aurez pas à faire vous-même : j’ai pris le risque de la découverte, juste pour vous, et il vaudrait mieux que vous fassiez de même ! Pourquoi aller se presser sur des plages noires de mondes et se disputer un misérable mètre carré de sable bourré de saletés quand on peut s’offrir des sensations similaire, voire meilleures, depuis chez soi ? Il suffit de vous plonger dans « Lifeline », dont je ne peux qualifier le contenu que de « planant ».
Fini le discours de publicitaire empressé de vendre sa marchandise. Parlons de choses plus intéressantes. Jesu est l’un des nombreux projets de Justin Broadrick – et oui, il est normal que ce nom vous rappelle quelque chose : l’homme derrière l’énigmatique Godflesh, collaborateur du renommé Sunn O))), ex-Napalm Death ; c’est lui. Mais musicalement, ne vous attendez point à ce que vous pouvez trouver chez les deux dernières formations que j’ai nommé. « Lifeline » est une fenêtre ouverte vers l’horizon, une sortie de secours, pour ceux qui ne veulent plus se faire victimes des assauts vindicatifs de légions d’hommes en corpsepaint et autres armes blanches plus ridicules qu’improbables.

Ainsi, il sagit d’un Post-Rock planant - oui, je me répète, attendez-vous à ce que j’utilise ce terme de « planant » encore deux ou trois fois - et apaisant, dans la veine du dernier album « Conqueror ». Mais en mieux. Oubliez la monotonie de ce dernier, et ajoutez à cela plus de fraîcheur, plus de talent et d’originalité, et une once de mélancolie qui ne vous fera aucun mal, et vous obtenez « Lifeline ». Plus concrètement, la musique de Jesu peut se reconnaître par ses riffs planants – oui oui, planants, rappelant parfois des sons que l’on trouve dans le Drone, et une utilisation de synthétiseurs ou je ne sais quoi qui vous donne l’impression de sentir une douce brise marine passer entre vos oreilles. Il n’y a pas plus relaxant que le chant de Justin, simple, sans effets ni sans fioritures qui pourraient l’alourdir et lui faire perdre cette légèreté qu’on aime tant.
Mais il ne serait pas très intéressant si au milieu de tout cela nous n’avions pas un titre qui dénote et se démarque de tout le reste. La troisième piste de ce petit bout de ciel bleu qu’est « Lifeline », « Storm Comin’ On » se distingue par l’apparition de voix féminines, et en particulier du chant plus affirmé et puissant de Jarboe (ex-chanteuse des Swans). Elle est ainsi la seule tempête qui souffle sur ce paisible EP, et je suis loin de m’en plaindre : elle fait apparaître les trois autres titres encore plus doux et reposants.
Néanmoins, dire plus que cela reviendrait à me répéter en vain, et Dieu sait si je n’ai pas trop usé du terme « planant » dans cette chronique. Alors je vous laisse vous-même vous faire votre avis. Vous verrez, c’est… planant.