D'entrée, à voir la pochette et le design du produit, on pense à écouter un énième groupe de metal symphonique, les couleurs sont vives, flamboyantes et pleines de dentelles, et cet univers de révolution, fin renaissance et limite gothique, donne envie d'en savoir un peu plus, même si l'on craint que l'originalité ne soit pas au rendez-vous. En effet, comment, après 2 décennies de groupes du même style, atteindre l'espoir d'être encore original et différent et de ne pas devenir l'ersatz d'un WITHIN TEMPTATION, KAMELOT, THEATRE OF TRAGEDY, AFTER FOREVER ou d'un NIGHTWISH ???

Que nenni, vous dirai-je, les préjugés me jouent encore des tours, car dès l'intro de "Descent of your destiny" et son violon sorti d'un autre âge, on sent que le propos sera différent. Je ne suis pas déçu par le packaging, car nous avons bien là le 1er album d'un groupe de metal symphonique voire romantique, mais l'univers leur est propre, plus rock, plus "roots" comme le confirme "In the end (Love me now)".

La voix de la chanteuse est très naturelle, peu lyrique, ce qui amène beaucoup de fraîcheur dans les mélodies (au moins ce n'est pas une mauvaise copie de Tarja ni de Floor Jansen..), j'ai même l'impression d'entendre Chrissie Hynde des PRETENDERS, la même intonation dans un style, bien sûr, n'ayant rien à voir... On se sent quelquefois partir dans l'univers des premiers MARILLION, "Script for a Jester's tears" et "Fugazi", lorsque Fish jouait à l'arlequin dément et que leur musique sonnait très prog médiéval....

VICTORIANS ont donc un univers unique et les morceaux s'enchaînent comme un flot du temps avec un talent de composition indéniable et une fraîcheur bienvenue dans ce monde saturé de mélanges metal et musique classique... Le petit bémol est que les parties justement symphoniques ont été enregistrées avec des claviers et non pas par un vrai orchestre, ce que je comprends au vu du budget que cela peut représenter, hélas, cela s'entend trop.... Le groupe reste autant dans le fond que la forme, comme le démontrent les photos de concert où ils arborent des costumes XVII-XVIIIe siècle avec panache et délectation...

Il est rare de voir émerger un groupe d'une telle classe dès le 1er album, surtout venant de Pologne et pas de Scandinavie, pour une fois. Peut-être est-ce de là que vient leur originalité, ils n'ont pas les clichés que l'on peut maintenant reprocher à beaucoup de combos suédois et finlandais (voire hollandais maintenant) qui nous donnent toujours la même soupe avec toujours le même son, certes, très bien faite, mais avec un goût de déjà-vu incompressible...

Je ne le cacherai pas plus longtemps, ce disque est un véritable coup de coeur !!!

Sur "Siren", la voix d'Eydis se fait lyrique, mais naturellement, juste pour colorer les mélodies de violons, si bien qu'on se croirait dans les meilleurs moments du "Wishmaster" de NIGHTWISH.... On a même droit à un morceau de pur heavy traditionnel, "Servents of beauty", et sur certains morceaux, les interventions de violon lead sont vraiment bienvenues, cela change des gros sons orchestraux pompeux et au final trop chargés... Ici, pas trop de soli de guitare, place aux belles mélodies, chaque chose est à sa place, rien n'est de trop.... les morceaux sont courts, ce qui permet de ne pas se lasser de trop longues épopées symphoniques et instrumentales, ce qui dessert souvent l'ensemble... Le chant, car c'est avant tout un des intérêts majeurs du groupe, se fait parfois grave, comme dans "Prince of light" pour finir en montées lyriques dans les très aigus, comme si la chanteuse incarnait tour à tour deux personnages…

Passons aux choses négatives, car il y en a... un peu... Disons que l'ensemble s'essouffle au bout d'un moment ("Don't let them cut my wings"), les accompagnements de cordes suivent trop systématiquement les lignes vocales, j'appelle cela le piège "Rhapsody", qui, au bout d'un moment commence à fatiguer l'oreille, si bien qu'on a l'impression d'entendre toujours la même chose (ce qui se passe d'ailleurs avec RHAPSODY, pourtant Dieu sait combien j'ai encensé ce groupe à leurs débuts…). Même chose pour les choeurs, ils auraient pu pousser le bouchon plus loin dans l'extravagance, parfois il manque des voix, des arrangements pour booster un peu le tout, ("Juliet's Tale"), il y a trop peu d'éclat dans les refrains par exemple, cela fait comme une continuité avec les couplets sans réel tranchant entre les différentes parties.
Pour finir l'album, ils ont osé un semblant de chanson pop-metal, "Creed", qui ne passe finalement pas trop mal après plusieurs écoutes... mais osé quand même....

Bref, je chipote sur les détails, ce n'est après tout qu'un premier album et ils s'en sortent avec les honneurs ; une très belle découverte, je réitère donc mon coup de coeur et j'espère sincèrement qu'ils trouveront un budget conséquent dans un proche futur pour enregistrer avec un véritable orchestre... car leur musique gagnerait en splendeur et puissance.... Je vous conseille vraiment de découvrir la symphonie aristocrate de VICTORIANS... oui, elle était facile, celle-là...