En ces temps hivernaux (au mois d’avril évidemment), traversons joyeusement les Alpes en raquettes pour découvrir le premier album d’un combo fraîchement tombé avec les dernières neiges. NO TIME FOR REDEMPTION donne dans un style à la fois bien maîtrisé, puisque la cohérence entre les titres de « Irony Of Fate » est toute faite, mais paradoxalement le propos de nos Helvètes est difficilement « étiquetable ». Nous pouvons peut-être parler d’un Thrash Metal ralenti aux fortes pointes Heavy. En gros, un mélange d’ANNIHILATOR et de MOTÖRHEAD en bonne et due forme auxquels s’ajoutent çà et là quelques épices à la PANTERA ou SOULFLY.


Premier constat, on a dans les mains un bien bel objet. Le visuel est travaillé (pour peu qu’on apprécie le genre morts-vivants louches encapuchés) pour un rendu très professionnel. Une fois le disque dans le lecteur, seconde illumination. L’introduction symphonique, mêlant avec brio instruments d’orchestre et chœurs très réalistes, est d’excellente facture tant dans le son que dans la qualité de la composition. C’est alors qu’arrive le premier « véritable » morceau de l’album, qui malheureusement fait descendre l’enthousiasme de quelques points. Non pas que le morceau soit mauvais, loin de là, mais la production surprend. Un peu froide (guitares et batterie en tête), si elle reste propre et claire, elle n’est pas à la hauteur des espérances promises par le visuel et l’introduction. Elle reflète plutôt de la bonne autoprod’ que d’un véritable rouleau compresseur sonore passé entre de bonnes mains. Normal pour un premier album me direz-vous, et je ne peux qu’acquiescer ; cependant l’album est justement passé entre les mains suisses expertes de Tommi Vetterli (CORONER) au mixage, et Dan Sutter (ELUVEITIE, 69 CHAMBERS…) au mastering. Quoi qu’il en soit, rassurez-vous et oubliez ces mots de mauvaise langue, le son n’est en aucun cas une barrière pour apprécier la musique de nos petits Suisses (vanne indispensable malheureusement).

NO TIME FOR REDEMPTION parvient sur cet album à jongler entre des moments bien agressifs avec des guitares saturées virulentes et lourdes et des passages beaucoup plus calmes et mélodiques, guitares clean voire acoustiques en tant qu’armes. Le chant y est également pour beaucoup dans cette schizophrénie sonore. Tantôt hurlé, criard et violent, tantôt susurré, mélancolique et rauque, mais aussi chanté en voix claire, voire par moments presque « rappés », rythmé et saccadé. Cette belle palette vocale peut surprendre, mais écoute après écoute la logique d’alternance ne choque plus, elle devient même un atout, une singularité à cultiver pour le combo.

Cependant, une certaine linéarité s’installe vite titres après titres, et la moitié de l’album passée, le risque de perdre l’attention de l’auditeur grandit. Des riffs qui se ressemblent, des harmonies répétées, pas de quoi crier au scandale, mais il faut savoir tenir le public en haleine. Pas une mince affaire, on regrettera alors un album un peu répétitif même si les ambiances s’alternent. Une meilleure sélection des morceaux aurait peut-être permis plus d’efficacité, car on ressent une certaine jeunesse dans la composition. On passe cependant de bons moments en compagnie de ces guitares grasses, de cette batterie assez simple mais efficace, de ce chant caméléon (véritable point fort du combo si on est sensible à cet exercice), malgré quelques longueurs.


Un premier album tout à fait honorable à mettre à l’actif de NO TIME FOR REDEMPTION, qui pourra en live se glisser sur à peu près n’importe quelle affiche avec son style alambiqué et passe-partout, qui reste néanmoins travaillé. Un peu plus de personnalité dans la composition et d’efficacité dans les structures auraient pu placer la barre plus haut, attendons la suite !