Ne vous est-il jamais venu en rêve quelque silhouette impalpable… aux allures de Mirage… dansant aux creux des cimes sur une ritournelle impavide?

Ne vous est-il jamais venu… en une nuit solitaire… quelque image rituelle d’une époque sans nom… ineffable stupeur ?
Avez-vous entendu le chant des Anciens… la parole des Dieux et le flot des rivières ? Ce tambour qui jamais ne faiblit, qui jamais ne se tait… Cette maudite guimbarde et ces violons rieurs… qui tissent chacun à leur tour… la trame d’une nouvelle prière ?

Saisissez-vous à présent l’appel des mers… les complaintes du sang… et les fureurs de la terre ? Elles sont toutes les échos d’une artère nourricière… d’un arbre originel aux racines éternelles.

Attendez donc… entendez… c’est ce chant… cette histoire que WARDRUNA nous conte à nouveau… en cette année 2013. Seconde invocation du quatuor norvégien… second émerveillement d’un rituel païen… thématisé autour des 24 runes de l’ancien Futhark (forme la plus ancienne d’alphabet runique, utilisée chez les peuples germaniques autour du IIe siècle, jusqu’au VIIe siècle).

Sublimation stylistique… là où « Runaljod – Gap Var Ginnunga » célébrait dame Nature par sa verve instrumentale… « Yggdrasil » développe quelque chose de plus… quelque chose d’éminemment poétique : car, en plus des instruments multiples qui composent son spectre (essentiellement des instruments traditionnels nordiques, tels que le violon Hardanger, le Gemshorn, le Lur, ou encore le Tagelharpa…) les voix et chœurs rituels sont désormais bien plus soulignés, marqués… grandiloquents… invoquant, dans leur langue mère (le norvégien pour ceux qui ne suivent pas), l’esprit des défunts.

Dramaturgie de chaque instant, la musique de WARDRUNA, de « Rotlaust tre fell », avec ses accents épiques, et ses percussions rituelles, jusqu’au tragique « Helvegen », se fait déclaration manifeste… moment de tension mystique… d’anabase païenne… où les sons de Dame Nature nous font grâce à chaque instant de leur innocente beauté.

C’est une épopée musicale riche en émotion… toute emplie de dévotion et de nostalgie… à laquelle nous convient nos cinq histrions, Kvitrafn, Hallvard Kleiveland, Lindy Fay Hella et Gaahl. Homogène dans sa structure, divers dans ses émanations et développements, le second opus de la trilogie « Runaljod » est un émerveillement auditif et esthétique… une inspiration surnaturelle qui tend à se dépasser perpétuellement, à chaque écoute, à chaque retrouvaille… Scansions sublimes, telles que celles du paroxystique « Naudir »…

Ce voyage spirituel ainsi achevé, il n’est de mots assez évocateurs de cette expérience, et des images qui lui seront, chez chaque auditeur, associées. Car chacun y trouvera… sans aucun doute… matière à son propre symbolisme… à sa propre mystique interprétative.