Intriguant. Un nom de groupe bizarre et un nom d'album énigmatique à rallonge. Des noms de morceaux laissant dubitatifs comme « Logical – Version 3.76 » ou « iCD10Q031V2010WTF ».
Où allais-je donc mettre les oreilles ? C'est donc avec une certaine méfiance et une ouïe circonspecte que je m'apprêtais à écouter ledit skeud.

Et là, dès la première écoute, contrairement à ce que j'appréhendais, je me suis dis que je tenais là quelque chose de bon, de nouveau. Un style indéfinissable fait de mélanges hétéroclites et improbables. On peut effectivement reconnaître des sources d'inspiration diverses et radicalement différentes : rock prog, post hard-core, punk, métal, relents indus/électro.

La force de Dan Deagh Wealcan est de proposer, comme le suggère le titre de l'album, un chaos musical organisé  en évitant l'écueil du gloubi boulga sonore indigeste. Si les courants empruntés sont effectivement multiples et divers, « Two Straight Horizontal Lines And The Organized Chaos in Between : Director's Cut » est tout sauf un patchwork musical sans âme.

Le talent du groupe est donc de proposer un tout relativement homogène composé à partir d'influences largement digérées et remodelées en un genre inclassable et anxiogène.
Anxiogène car rien n'est jamais prévisible , que ce soit d'un titre à l'autre (entre par exemple un « Beware of lines » très métal et un « Det Sista Ljuset » instrumental électro/prog légèrement déstructuré) ou à l'intérieur même d'un morceau ( «The Number Was Too Long, so I Forgot It » par exemple), laissant l'auditeur dans un état d'insécurité musicale permanent.
Anxiogène aussi car même si les titres peuvent instaurer des ambiances vraiment différentes (un « Paranoia? I'm aim! Assure you! » très violent contre un «Logical-version3.76  » indus/électro) l'ossature générale se veut plutôt sombre, malsaine, chaque morceau comportant sa dose variable de désespoir et de colère.
« Two Straight Horizontal Lines And The Organized Chaos in Between : Director's Cut » est donc dense, rythmé, innovant et surprenant mais jamais relaxant, toujours à la limite du traumatisme sonore.
Outre le fond, il convient de faire remarquer que la forme force également le respect. L'aspect technique, aussi bien instrumental que vocal, fait preuve d'une maîtrise indiscutable qui contribue largement à l'impact émotionnel dégagé par la musique. Même si le côté Lo-Fi revendiqué par la formation fait perdre, à mes oreilles, un peu de force aux morceaux.

En résumé : même si l'alchimie proposée peut s'avérer moins opérante sur deux ou trois morceaux( changements rythmiques et mélodiques un peu trop fréquents, quelques longueurs) Dan Deagh Wealcan, avec ce premier opus, frappe un grand coup en se créant une identité musicale forte et assurément unique. A noter que le groupe n'est qu'un duo ( russo-ukrainien né en 2013 de la rencontre entre Mikhail, artiste à l'origine d'un projet instrumental solo bien barré et Eugene, parolier et vocaliste) ce qui est d'autant plus impressionnant.
Chapeau les gars !