Réflexions d'un Français au Summer Breeze...

Cette visite au Summer Breeze, deuxième grand festival de metal en Allemagne, n'était pas programmée et s'est décidée une semaine avant le début de l'événement. Il faut le reconnaître, c'est une chance d'avoir, en tant que germaniste, des relations amicales dans les régions où ont lieu de telles manifestations, que ce soit au Nord pour le Wacken O.A. ou au Sud pour le SB, comme on dit là-bas. Bref, quoi qu'il en soit, il m'a été possible de passer quelques heures à Dinkelsbühl, pittoresque cité bavaroise de 11000 habitants, en Franconie centrale, cette précision géographique n'étant pas sans importance.

A mon arrivée sur le site, le jeudi 18 août vers 20 heures, de nombreux groupes s'étaient déjà produits, dès le mercredi soir et toute l'après-midi du jeudi sur l'une ou l'autre des trois grandes scènes, le Summer Breeze étant en effet étalé sur quatre jours. Un peu plus de 90 formations de metal étaient annoncées, j'ajoute que le prix de l'entrée s'élève à 72 euros, comparez avec d'autres festivals... En conséquence, j'ai été privé des prestations de VADER, DESTRUCTION, MELECHESH (Israël / Pays-Bas), THE HAUNTED, ARCH ENEMY, SUICIDAL TENDENCIES, par exemple, et d'autres groupes de moindre notoriété.

Mais l'objet de ce récit n'est pas de procéder à une analyse critique et systématique des sets des différents groupes auxquels j'aurai pu assister. Il s'agit ici plutôt de livrer quelques impressions, réflexions ou sentiments personnels que m’auront inspirés un festival renommé que je découvrais, un peu à l'improviste.

A la différence du Wacken O.A., la grande fête du rock metal n'a pas lieu ici dans un village de 2000 âmes où chaque habitant apporte sa contribution en liaison avec les festivaliers, mais dans un immense terrain en forme de trapèze , situé à 8 km du centre de la cité de Dinkelsbühl , au milieu des champs de maïs , des labours et des bosquets où souffle une brise rafraîchissante. En d'autres termes, pas d'osmose entre les gens du pays et les 30 000 festivaliers, pour la plupart installés sur le camping aménagé à leur intention. Mais une navette de bus assure la liaison entre la ville et le site de Sinbronn, initiative fort appréciée. Le festivalier qui débarque est tout de suite frappé par les dimensions du camping et du site en général, et par le véritable labyrinthe que constituent ces routes, ces chemins et ces sentiers qu'on doit emprunter pour accéder aux scènes. Heureusement, tout est quadrillé, numéroté et les organisateurs bien rodés ont fait appel à un nombre impressionnant de bénévoles et de volontaires en gilet bleu, qui vous aident et vous renseignent aimablement. Ici, le mot d'ordre est sécurité et efficacité d'abord. Au point que la police fédérale a installé son QG dans l'enceinte -même du site. Les contrôles aux entrées se font sans excès de zèle, avec le sourire. Les campeurs, eux, bénéficient d'un confort particulier : terrain plat, herbeux, fonctionnel, avec stands de restauration et de boissons tous les 50 mètres, des sanitaires propres etc. Le public, sans cesse en mouvement d'une scène à l’autre, est également bien traité, des bancs sont mis à sa disposition, les gens peuvent se reposer ou se restaurer assis. Les points de vente de bière (3,30 euros le demi-litre plus 50 centimes la consigne) et autres boissons alcoolisées ou non, ne manquent pas. Les amateurs assoiffés sont servis sans attendre... idem en ce qui concerne les stands de nourriture où toutes les spécialités sont représentées, allemandes, bavaroises, exotiques, pizzas et crêpes...rien ne manque et les prix sont corrects, une abondance et un choix de plats à peine imaginables, des repas complets sont possibles, chose assez rare en France. La bière bavaroise de grande qualité est évidemment consommée sans modération, mais on n'est tout de même pas à la Fête de la Bière de Munich. Les spectateurs ne sont pas obligés d'enjamber des gens étendus sur le sol, comme c'est parfois le cas dans d'autres manifestations musicales et festives !

Au Summer Breeze, on ne trouve pas d'Extreme Metal Market abritant toutes les boutiques de fringues, CDs et autres accessoires. Ici tout se passe dehors et de quelle imagination il faut faire preuve pour attirer un public certes jeune, mais semble-t-il, assez aisé et lui proposer une telle débauche de T-shirts, piercings, gadgets, jeux et tombolas. Les boutiques sont savamment alignées, formant une sorte de longue barrière qu'il faut contourner pour se rendre de la "Party Stage" (chapiteau géant) aux deux scènes principales, la "Main Stage" et la "Pain Stage», situées légèrement en hauteur et surplombant deux grandes terrasses ou esplanades carrelées, donc propres, entre les deux un écran géant. La "Party Stage" proche de l'entrée est un immense chapiteau à l'acoustique presque parfaite, le sol est un parquet en bois qui amortit les chutes pendant les pogos et les circle-pits. Et n'oublions pas la petite scène appelée "Camel Stage" où on joue pratiquement en continu. Inconcevable en France, la vente de cigarettes de cette marque constitue une activité apparemment agréable pour une dizaine de garçons et filles qui circulent là où l'affluence est la plus forte. C’est vrai, en Allemagne on fume plus qu'en France et la législation à cet égard est plus tolérante...J'ajouterai un bémol, à savoir le désagrément relatif au fait que deux groupes intéressants jouent en même temps, un vrai dilemme. Insoluble mais regrettable.

Un mot sur le public: il est essentiellement allemand, moins international qu'à Wacken, voire régional, c'est-à-dire bavarois ou souabe, on côtoie aussi quelques Suisses, Italiens ou Autrichiens, mais extrêmement peu de Français. Il suffit de lire les plaques d'immatriculation des voitures. Il règne certes une ambiance festive, parfois joyeuse, mais sans excès, le sens de la discipline et du respect est une réalité. Tout semble avoir été organisé avec une rigueur toute scientifique, le Summer Breeze 2011 étant la quatorzième édition de ce festival fondé en 1997. On annonce un SB 2012 encore plus grandiose pour ses 15 ans. Seuls deux incidents sérieux sont venus troubler - mais à peine - la sérénité du festival : un jeune campeur blessé pendant l'orage de vendredi matin par la chute d'un poteau publicitaire et un autre par l'explosion d'une bouteille de gaz. Un hélicoptère était toujours prêt à décoller pour évacuer les éventuels blessés.

Venons-en enfin à l'aspect artistique du festival sans nous appesantir sur les détails techniques. La plupart des groupes avaient sorti récemment un album, par ailleurs il est assez aléatoire de nommer une formation tête d'affiche qu'on dirait "mythique" ou "légendaire" en France , du type MOTÖRHEAD , JUDAS PRIEST , IRON MAIDEN ou SLAYER , entre autres. Sur le plan des concerts proprement dits , je retiendrai DECAPITATED , les death-métalleux polonais , ovationnés par le public , de retour après l'épreuve qu'ils ont subie en 2007 , Vogg est toujours aussi charismatique, les jeunes de HACKNEYED (death, Stuttgart) qui évoluent désormais dans la cour des grands , groupe original et créatif , EXCREMENTORY GRINDFUCKERS , comme leur nom l'indique! ABORTED ,bien connus et appréciés chez nous , IN EXTREMO ,Pagan metal issu de l'ancienne RDA, un groupe et un style très populaires Outre-Rhin , et surtout MARDUK , rare groupe de black-metal présent au Summer Breeze 2011.C'était la soirée du jeudi 18. Le vendredi 19 réservait quelques bonnes surprises, comme FACEBREAKER (death, Suède), HELRUNAR (BM), MAD SIN (Psychobilly, Berlin). ATHEIST a été remplacé par VICIOUS RUMORS. On a pu applaudir ENSLAVED, TURISAS, KATAKLYSM, AMORPHIS (prochainement à Lyon). Pour moi, la tête d’affiche, s'il en fallait une, c'est bien BOLT THROWER en grande forme, spectacle garanti, sur scène et dans la fosse. HAMMERFALL , les Suédois bien connus chez nous, dont la tête pensante s'est permis de déclarer qu'il préférait jouer en Allemagne plutôt qu'en France ! (Quelques sifflets) obtiennent un succès indéniable. Le samedi 20, quelques dizaines de Français enthousiastes s'étaient regroupés devant les barrières de la Main Stage à 11h35 pour applaudir les Stéphanois de BENIGHTED, qui jouaient au Summer Breeze pour la deuxième fois, quel honneur, quel plaisir! Egaux à eux-mêmes, déclenchant pogos, wall of death, les Foréziens n'ont joué qu'une demi-heure, à un horaire guère favorable, mais un petit frisson d'émotion a traversé leurs fans français qui ont conclu le set en entonnant "La Marseillaise". Rappelons que BENIGHTED entretient une relation particulière avec nos voisins germaniques. Bon vent à nos amis de la Loire ! On a droit ensuite aux punks US de TOTAL CHAOS vus récemment à Lyon, malheureusement pour eux, il y a peu de punks dans le public. Bon set, mais des réactions un peu molles, dommage! Sous le grand chapiteau défileront tour à tour des groupes prometteurs déjà connus, comme ADEPT (post-hardcore, Suède), SWASHBUCKLE (thrash, US), les excellents OBSCURA (death technique) qui jouent ici "à la maison", les Berlinois de CORVUS CORAX (folk médiéval), vus au Lyon's Hall il y a quelques années nous gratifient d'un magnifique spectacle couronné d'un grand succès, ils sont tellement atypiques avec leurs instruments, puis viennent les Américains de AS I LAY DYING (métacarpe chrétien) qui font un très bon set, on pourra les voir fin octobre à Saint-Etienne avec AMON AMARTH. L'heure tourne, le timing est strict. Arrivent maintenant les populaires CALIBAN avec leur frontman charismatique au contact facile, Andy. Ils pratiquent un metalcore très original qui ne plaît pas à tout le monde, notamment leur dernier EP "Coverfield" durement critiqué par certains" spécialistes."Originaires d'Essen dans la Ruhr, ils sont manifestement populaires dans leur pays, au point de provoquer des circle-pits à la limite de l'hystérie. Les Lyonnais se souviennent de leur concert au Marché Gare en mai dernier.

La soirée - et le Summer Breeze 2011- se termineront, pour les deux grandes scènes, par les shows de TARJA, SODOM, HATEBREED et PRIMORDIAL....Il ne manquera que KREATOR ! En guise de conclusion, osons dire que les "jeunes" ou moins jeunes, tels OBSCURA, HACKNEYED, ADEPT, GOD DETHRONED et ROTTING CHRIST, qui se sont produits sur la Party Stage (chapiteau) valaient bien en qualité d'autres groupes qui, eux, se sont contentés d'exécuter leur prestation sur les grandes scènes, pour le public a priori plus prestigieuses.

Le SUMMER BREEZE nettement moins connu des métalleux hexagonaux que le grand WACKEN OPEN AIR mérite largement le détour. On a affaire à Dinkelsbühl à un festival à taille humaine (en affluence), brillamment organisé, doté d'une logistique exemplaire, offrant une programmation assez variée, laissant toutefois un peu à l'écart le heavy metal classique en particulier, de même que d'autres variantes du rock-metal. On ne sous-estimera pas, par ailleurs, la volonté d'assurer un séjour agréable et confortable aux spectateurs, dans un cadre champêtre sympathique. Le SUMMER BREEZE 2012 aura lieu du 16 au 18 août. Le billet coûtera 77 euros. C'est honnête, non?

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