CHRONIQUES CONCERTS

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RITUEL NOIR
Avec : CORPUS DIAVOLIS, BLACK BILE, GURU, GROZA, WIEGEDOOD, MIASMES, RÄUM, VERSATILE, BØLZER, OMEGAETERNUM, BORGNE, DARKENHOLD, LES CHANTS DE NIHIL
  Date du concert : 01-05-2025
  Lieu : La ferme de Boudiguen - Querrien [ 56 ]
  Affluence :
  Contact organisateur : https://lesacteursdelombre.net/
 
 
 
  Chronique : 2025-05-24 , réalisée par TomHunter - Photographe :
   
RITUEL NOIR 2025 - Live report


Le festival du Rituel Noir s’est déroulé du 1er au 3 mai dernier en Bretagne, à Querrien (Finistère). Haut lieu représentatif des Feux de Beltane et de tant d’autres évènements de tous horizons, la ferme de Boudiguen se remplit de festivaliers et artistes depuis longtemps grâce au collectif Tomahawk. Pour cette année, le Rituel Noir sera mené de main de maître par le label nantais de black metal Les Acteurs de l’Ombre et ses nombreux bénévoles mettant tout en oeuvre afin de nous proposer un passage vers la saison estivale.
Le programme est chargé mais digeste, chaque groupe sera précédé ou succédé d’une activité ou d’animations diverses. Le festivalier est amené à flotter sur un rythme paisible tout le long de ces trois jours qui se dérouleront comme suit.

Le festival débutant le vendredi 2 mai, un préambule nous est offert la vieille avec trois formations assez variées.
Les rennais de Gurù annoncent une belle entrée en matière sous le signe du black/doom, avec un son propre et distinct. Les bretons sont survitaminés et démontrent leur ferveur avec un sourire non dissimulé. Jerry, le leader (chanteur également dans Les Chants De Nihil) s’assène des coups de fouet et finit même par s’envelopper de 6 mètres de boudin simulant l’étranglement par ses propres entrailles, tout un art ! Leur dernière galette (entendez vinyle) sortie il y a peu chez L’Ordalie Noire (la région a du talent) percute la foule déjà bien amassée sur les épaisses planches de la cabane de Boudiguen. Une double pédale affolée donnera le ton niveau sonore, bien que le son s’intensifiera plus tard, révélant un système audio et des capacités propres à la « salle de concert ».

Second test sismique approuvé avec Black Bile et son doom puissant aux nuances de post black. Le son de basse est parfait, quant à la caisse claire, elle est réglée au plus loin dans la résonance. On se sent happé par la voix de Romane Ripnel et sa cohorte de musiciens. Les fondations de la ferme en bois résistent aux lorientais tandis que l’espace dans la fosse se réduit tant l’exorde a su attirer les foules.

Derrière son support de micro des plus démoniaque, un autel, une croix de bois, de hauts chandeliers et une multitude de signes religieux durant le set, Corpus Diavolis clôt la soirée sous des lights rouges, vives et étincelantes. Le diable s’empare des esprits présents et s’immisce dans les murs de la cabane furtivement.
Bien belle mise en bouche que ce préambule du 1er mai, le ton est donné pour la suite, le public est conquis

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Le soleil du lendemain matin annonce une journée riche et colorée sur les plaines du Morbihan. Au programme ce jour : séance de cinéma, concerts, contes et combats vikings.
La projection du documentaire « Que ton règne vienne » du collectif nantais Les Furtifs a réunit bon nombre de cinéphiles et curieux. Le sujet traite du satanisme à l’époque contemporaine. Interviews d’artistes, musiciens, spécialistes de l’occulte et du satanisme (comme Philippe Pissier, traducteur d’Aleister Crowley), le reportage nous emmène dans l’antre du démon sous le regard aiguisé d’experts et passionnés. On assiste sur la fin à un rituel satanique de l’Alliance Mystique, bluffant et bouleversant. Ainsi, le réel se confronte à l’imaginaire que tout passionné de l’occultisme et du black metal invoque par différents biais.
La France est considérée par le Vatican comme le pays le plus sataniste, et ce depuis des siècles, notamment grâce ou à cause d’écrivains tels que Charles Baudelaire qui magnifiaient l’image de Lucifer.

Cette introduction imagée nous amène ensuite à un tout autre décor mais pour le moins tout aussi figuratif, puisque Versatile revêtent leurs costumes gothico-cyberpunk et s’emparent de la scène. Les genevois ont sorti leur album chez Les Acteurs de l’Ombre il y a seulement quelques jours que déjà leur son black indus semble être connu de certains et très apprécié. Le roster du label continue de se découvrir avec les deux formations suivantes.
On fera un détour par la Belgique avec Räum qui délivre sept titres puissants. Le chanteur à la gymnastique assez mouvante est accompagné de deux guitares (accélérations en tremolo aigu et power chords sont de mise). L’absence de basse est comblée par un batteur au blast affuté et au pied lourd sur sa double grosse caisse.
Le trio guitare, batterie, chant/basse chez Miasmes fonctionne également à merveille. Remplaçants au pied levé pour A/Oratos, ils ont su développer une énergie suralimentée par un débit crescendo sur la setlist. Il se laisserait présager un bel avenir pour cette formation qui nous délivre pour l’occasion « Agonie », un nouveau titre à paraître sur leur prochain album. Il est 18h et les vierzonnais nous coupe le souffle et nous prive de tout répit, un plaisir !

Le temps de pause intervient tout de même après cette journée découverte opulente. Le temps de se restaurer grâce aux deux food trucks (burgers / fish and chips et crêpes locales) ainsi qu’un troisième camion aménagé en cabinet des curiosités axé sur l’écrivain H.P. Lovecraft et le café sous toutes ses formes (la carte compte d’innombrables possibilités de stimulants caféinés). Au fil des contes de Quentin Foureau qui ont captivé l’attention de nombreux spectateurs friands des histoires de naguère, le temps s’écoule lentement sur cette fin de journée. L’attente avant le prochain concert prévu pour 21h45 aurait peut-être pu suggérer un interlude musical. De bons vieux classiques en restant dans le thème du festival auraient, à ce moment-là, surgis de quelque enceinte, afin de tenir le public en haleine. Non pas que ce temps calme ne fut pas bénéfique, certains s’impatientaient déjà, armés de fougue devant les hautes portes de bois qui masquent le déroulement des balances.

Les vantaux s’ouvrent enfin pour laisser place à Wiegedood, un trio hypnotique et aliénant composé au deux tiers de musiciens live jouant pour Amenra. On remarquera ainsi l’accointance grâce au mélange de black et post-hardcore.
Après cet impressionnant jeu de violence et de vitesse, les blackeux à capuche de Groza s’occupe de clore le bal. Fort de leurs compositions toutes en trémolo picking et une voix étouffée et se rapprochant de celle de Michael Kogler (Harakiry For The Sky, Karg), le black metal des bavarois reste bien imbibé de Uada et MGLA. L’ambiance fonctionne toujours et il ne faut pas longtemps pour rentrer dans la danse de leurs riffs. Groza oscille entre arpèges flottés et passages blastés survoltés, criards, puis lourds… L’expérience a encore une fois gagné, les allemands m’ont vidé de tout.

Le constat est unanime dans l’audience, chacun est battu et repu comme après un long repas de famille. De belles gifles ont été délivrées aujourd’hui et les festivaliers aux sourires éclatés en redemandent. La suite le lendemain avec une programmation encore très diversifiée et plus vieille école…

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Les Chants de Nihil investissent les planches à 14h avec en chef de file Jerry (Gurù) et sa voix aux multiples variations. La Breizh se réveille au rythme des mélodies païennes et des blasts saupoudrés de cymbales ça et là, le tout sous de rapides basses frappées par Sir ÖberKommander. Sous les influences pagan se cache derrière Les Chants un véritable black mélodique poignant et agité qui remue et surprend par ses solos et variations. La dissonance intervient au niveau des vocaux, hurlés comme des hymnes ruraux, et déjà parviennent à haranguer la foule.

Pour continuer, c’est la mâchoire toujours en avant que Cervantes, le chanteur de Darkenhöld, agrippe le pied de micro avec hargne et nous communique moultes informations sur le déroulé du spectacle, le nouvel album à venir, l’implication du groupe au sein du label nantais, etc… Les quelques problèmes techniques ayant causé un léger retard seront pardonnés rapidement grâce à une setlist ultra diversifiée. Dès le début, on a le droit à un nouveau titre (« L'ascension du mage noir » tiré du futur album), des chansons d’albums précédents voire bien plus ancients (« Arcanes & sortilèges » ou encore « Echoes from the Stone Keeper »). On notera l’apparition sur scène du conteur Quentin Foureau sur le dernier titre de la setlist, l’auteur ayant participé à la thématique du prochain album.

La proximité avec tout les acteurs de la scène dans ce type de festival est vraiment intéressante. Partout, les sourires témoignent des différentes rencontres et de discussions entre mélomanes.
Les étals de LADLO, Antiq Records et Transcendance (entre autres) ont participé activement à l’émancipation de cet art avec bonheur et complaisance.

La musique de Borgne se constitue d’une boîte à rythme rapide, composée par le chanteur/guitariste aux multiples formations, d’une basse bourrée d’hormones, d’un gratteux possédé et survolté (de Vortex Of End) et d’une claviériste au regard noir.
Les notes de synthé agrémentent un tortueux mélange de black dissonant, hurlé jusqu’aux entrailles et ensanglanté, au propre comme au figuré ! Les suisses ont su scintiller dans une scénographie aussi sombre qu’une âme en perdition. Misanthropique, décharné, au bord de l’abîme, Borgne nous délivre cette année leur onzième méfait « Renaître de ses fanges », où l’inhumanité pourrait bien s’emparer de celui qui tend l’oreille.

La nuit tombe enfin, l’air se charge de nostalgie et l’attente se fait longue. L’heure a sonné pour Omegaeternum, le nouveau projet de Sorghal (ex Nehëmah, Evohé) qui a vu le jour l’an dernier avec un premier album très attendu.
1248, sorti chez Van Records, nous plonge dans des sonorités issues de la vague des années 90 appuyées de textes chers à l’environnement naturel qui entoure certains membres du groupe. En bref, du black metal pur jus entre monts et forêts, un régal pour les initiés.
Et c’est tout en corpse paint et bracelets à clous que les musiciens entament leur 3éme concert depuis leur (re)formation
Col gallican vissé au cou, Sorghal remet les choses en ordre avec un chant brut et puissant, tandis que son comparse d’autrefois Arawn (guitariste live pour Nehëmah) tout en arpèges et solos nous comble d’émotions, comme si les potards du Pedalboard n’avaient pas bougé depuis ces deux décennies.
La setlist ouvre quant à elle l’horizon pour Omegaeternum puisque le groupe s’identifie déjà, pratiquant un black pur et aux compositions évolutives et parsemés de samples. « The Devious Deceiver », titre de presque 15 minutes, fut un moment d’anthologie pour ceux qui ont l’âme assez noire pour rentrer dedans. À leur habitude, les « montagnards » nous offre une reprise de Nehëmah (« Warlock ») et ceinture ce set hors du temps.

Dernier temps mort avant le final du festival et la foule se dirige vers l’esplanade verdoyante où une structure de bois en forme de cathédrale s’enflamme. Le Rituel Noir tout comme les feux de Beltane surprend par les flammes et la force procurée par celles-ci. Le public profite d’une chaleur communautaire et mystique, une ambiance particulièrement contemplative et anachronique.

Enfin, c’est au tour d’un duo de clôturer l’évènement et les suisses de Bølzer rempliront la tâche assidûment avec leur black/death aux multiples influences. Le batteur créé le chaos avec son jeu démentiel, accompagné du chanteur et de sa 10 cordes (1 micro, 1 potard de volume). Dès les premières notes, on sait à quoi s’en tenir : une voix grave, des accents progressifs, des riffs alourdis par les cordes plus graves, une dissonance de post black très immersive.
La voix de KzR semble provenir des profondeurs abyssales, d’où surgissent les colorations des riffs de guitare. Plongés dans une fumée bleue puis rouge, les musiciens nous projettent totalement dans leur univers dualiste et extraterrestre, avec notamment « Hero » où l’on peut constater toutes les nuances de leur musique.

C’est donc sur cette note que s’achève le Rituel Noir avec en mémoire une salle au son très qualitatif (merci aux techniciens) mais aussi des lumières bien calibrées, pour selon que les productions musicales sur ce weekend du 1er mai étaient très diversifiées.
La diversité et le respect sont d’ailleurs les maîtres mots de ce weekend hors du temps, qui nous a ouvert à des styles différents, des cultures lointaines et des témoignages bienveillants. Le lieu se prête grandement à nous recentrer et nous suggère de porter notre attention sur ce qui nous entoure.
L’équipe de Pavillon 666 remercie chaleureusement Gérald Milani et tout Les Acteurs de l’Ombre pour cette fête païenne qui restera une date importante dans la culture metal bretonne.




   
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