Décidément, à Lyon , les concerts se suivent , mais ne se ressemblent pas. Deux semaines après le concert mémorable de BELPHEGOR dans cette même salle du Lyon's Hall, une gageure et une prouesse, les black-métalleux d'ici et d'ailleurs ont ce soir, samedi 23 Octobre, la chance de pouvoir vivre un nouvel événement dont l'affiche est fort intéressante. En effet, cinq groupes, représentant cinq régions françaises, mais présentant aussi l'avantage de faire connaître la nouvelle génération du black métal de notre pays, certes avec des nuances dans le style et le niveau des prestations, vont se succéder de 20 heures à minuit sur la scène du 9ème arrondissement.

Alors que depuis la rentrée de Septembre, on se résignait à déplorer une réelle désaffection dans les concerts de metal, quelle ne fut pas notre surprise, ce soir, de découvrir une affluence aussi nombreuse, rarement égalée en ces lieux. Enfin nous allons évoluer dans une salle comble et pénétrer dans "Les entrailles de l'Enfer», tel est le titre de l'affiche. Mais rassurez-vous, ce ne sera pas une soirée triste, austère, lugubre ou dépressive. Bien au contraire, l'ambiance générale dépassera les espoirs des organisateurs, Hassweg Productions, et des observateurs que nous sommes.Bref , dès la première minute , l'impression sera très favorable. Autant de monde que pour BELPHEGOR et VREID, et surtout plus d'animation dans la salle. D'ailleurs le spectacle était sur scène aussi bien que dans la fosse.

A 20 heures tapantes, c'est le trio de Poitiers, MANZER, - attention à la première lettre de leur nom ! - qui va ouvrir la cérémonie. Les Poitevins ne sont pas très connus en Rhône-Alpes. MANZER, groupe constitué en 2008, a déjà sorti une démo cette année. Le trio dont le chanteur à la voix puissante est aussi le batteur, pratique avec bonheur un black metal qu'on pourrait qualifier de "old school". C'est une prestation sans prétention, mais assez convaincante, énergique et entraînante, que ces trois musiciens vont nous offrir en guise de hors d'œuvre. On a même droit à du VENOM et du MOTÖRHEAD et on apprécie le contact souriant avec le public, mais aussi la hargne dont ils font preuve. Headbanging et début de pogo sont la preuve que les gens ne sont pas indifférents. Sans aucun doute entendra-t-on encore parler de cette jeune formation de black metal du Poitou, leur province qui leur est chère.

 

Organisation efficace, timing respecté puisque dès 21 heures, ce sont les cinq musiciens marseillais, dont une excellente bassiste, du groupe CORPUS DIAVOLIS, qui vont investir la scène pour jouer sept chansons en 40 minutes. Visages grimés, croix renversées , ils nous proposent à un rythme effréné qui déchaîne une bonne partie du public, jeune et moins jeune, des morceaux qui sonnent un peu comme du MARDUK, avec de belles périodes mélodiques , d'autres plus brutales. En réalité, on a affaire à un bon black plutôt technique, ultrarapide, avec des vocaux tantôt criards, tantôt profonds, créant une ambiance morbide, voire démoniaque. Il faut souligner en particulier le talent du batteur, la virtuosité de la jeune bassiste, le chanteur, lui, rappelle par moments Legion (ex MARDUK) .Leur set, parfaitement maîtrisé, a visiblement plu à l'assistance. Les gens de la région PACA ne sont donc pas des enfants de chœur. Leur production se compose d'un EP "Nightsky Orgia" (2009) et d'un récent album "Revolucia" (2010).

 

Set list :

1) The Year is 1

2) Anteros

3) Daemonic

4) Otza

5) Kurbi

6) Swallow

7) Nightsky

 

Changeons de région avec les Toulousains du quintette MOURNING FOREST qui vont entamer leur set peu avant 22 heures. Précisons d'emblée qu'en dépit de sa jeunesse, ce combo talentueux et prometteur, a eu le temps de publier deux albums, "Au coeur de l'ombre" en 2009 et  "De la vermine" en 2010. Il n'est pas besoin d'attendre plusieurs titres pour  constater que MOURNING FOREST ne fait pas dans la dentelle, pour parler clairement. Le chanteur (20 ans) a l'allure d'un professionnel de la scène, le batteur particulièrement doué martyrise ses fûts, les guitaristes et le bassiste ne sont pas en reste , si bien qu'on a l'impression d'être plongés dans un bain sonore, dans un univers froid, sombre et glauque, du brutal extrême , du mélodique , pas de temps mort. L'efficacité semble être l'un des objectifs majeurs des Toulousains, une osmose parfaite s'établit entre la scène et une partie de la salle. Quel carnage au pied de l'estrade ! On n'a pas vu le temps passer, entend-on dans la foule. On peut parier que le groupe MF est promis à un brillant avenir.

 

Setlist :

1) Au coeur de l'homme

2) Scornfull Darklord

3) Sombre charognard

4) Cortège funèbre

5) Solitude hivernale

6) A dead sun

 

Rapide changement de plateau, les gens du Sud-Ouest  laissent maintenant la place aux Savoyards MALMORT. Le quatuor originaire de Chambéry, qui entretient des relations amicales et musicales avec un autre groupe connu dans la région, EVOHE , est peut-être le plus ancien parmi les cinq formations invitées, puisqu’il a vu le jour en 2003.Une démo est sortie en 2006 et un 5-titres en 2010.Ce soir, ils sont en grande forme, cela se voit, une délégation de Savoyards et de Haut-Savoyards est venue les encourager et les applaudir. Leur musique est puissante, sans la moindre fausse note, jamais linéaire, l’ensemble est harmonieux et bien construit, tous les instruments sont maîtrisés à la perfection. Ils délivrent au public amateur de bon black metal des morceaux variés qui déclenchent un pogo géant et très viril. Des" ados attardés" n'hésitent pas à s'y lancer. Les thèmes abordés n'ont rien de très original, la mort, la déchéance, les ténèbres. Corpse paints et cuirs noirs sont de rigueur. MALMORT a démontré qu'un groupe de black metal, avec toutes les caricatures, les clichés et les préjugés qui entourent ce genre de musique, est capable de créer une ambiance "positive" , faute de trouver un terme plus pertinent. C'est là le mérite de formations comme MALMORT et d'autres.

 

Le cinquième groupe, CHADENN, originaire de la région parisienne (Conflans-78) ne va pas tarder à s'installer pour apporter une conclusion à la hauteur de la qualité de cette soirée. Ils sont quatre sur scène, représentant le true metal "guerrier", style norvégien. Une heure durant, cette formation de black metal, radicale ou extrême, estampillée France, va s'attacher à répondre par ses gros blast beat, ses compositions rapides à la tonalité belliqueuse, franchement guerrière et malsaine, aux attentes d'une partie du public encore présent à cette heure tardive. Le chanteur descend à plusieurs reprises dans l'arène. De sa voix criarde ou hurlante, il annonce, on l'imagine, le pire à l'humanité. CHADENN gratifie son public de beaux mid tempo, de riffs tout aussi efficaces. Quoi qu'il en soit, c'est à un combat d'une grande violence que se livrent les fans de CHADENN devant la scène, parfum de bière, relents de sueur, tout se mélange, mais la musique continue au-delà de minuit, destructrice, malsaine...On peut l'écouter les yeux fermés...ou dehors. C’est le choix de ceux qui préfèrent ne pas voir certains gestes -rares, il est vrai, afin de garder un bon souvenir de ce concert. Signalons pour conclure que les Franciliens CHADENN ont sorti une démo en 2008 et un CD "Aux Portes de la Mort" en 2010.

 

 

Chacun aura été satisfait de ce concert dont il faut féliciter et remercier les organisateurs, Hassweg Productions, pour sa bonne tenue et son bon déroulement. C'est ainsi que les associations et les groupes eux-mêmes pourront continuer à faire plaisir à un public parfois trop réticent à se rendre dans les salles de concerts, notamment les petites salles. Nous remercions bien entendu les cinq groupes qui se sont déplacés le 23 octobre à Lyon et ont permis le succès de cette soirée.