- Bonjour Justine, voici donc ce nouvel album d’Elyose « Déviante » qui, tu as pu le voir dans ma chronique, m’a littéralement scotché par tant de qualité de composition, d’interprétation et de production sonore. Depuis quand l’album est-il en composition, a-t-il été long à composer et enregistrer ?

Merci infiniment je suis vraiment très flattée ! Nous avons commencé à travailler dessus à l’été 2021 et l’avons bouclé en novembre 2022. Environ un an a été consacré à la composition et quelques mois de plus à l’enregistrement, mixage et mastering.


- Depuis le EP « Persona », le son du groupe est devenu plus Nu Metal, avec plus d’influences electro-indus, symphonic-metal voire death et prog, l’arrivée d’Anthony Chognard a été la cause de ce tournant, me semble-t-il ?

Oui c’est grâce à Anthony qu’on a pu rendre ELYOSE plus “metalleux” et plus centré autour de la guitare. Aujourd’hui on fait du Metal auquel on incorpore des éléments gothiques et industriels, et non plus l’inverse. C’est en réalité ce à quoi j’avais toujours aspiré mais n’en avais pas eu la possibilité avec les anciens membres.


- Le son de « Déviante » est monstrueux, dans le sens le plus positif du terme. Était-ce une volonté au départ ou cela s’est fait au mixage ?

C’est une volonté dans le sens où j’ai fait appel à Anthony à l’origine pour ses talents de producteur musical. S’en est suivi son intégration au sein de ELYOSE en tant que co-compositeur parce qu’il s’avère être aussi un excellent musicien mais je tenais absolument à ce qu’il reste aux manettes pour les mixs. Cela me paraissait complétement naturel alors qu’il a aussi enregistré mes voix et a pu au fur et à mesure comprendre mes envies, la plupart du temps en accord ou en complément des siennes d’ailleurs.

- Tes textes sont en osmose avec la modernité du style de l’album, j’ai ressenti une belle fusion entre Terminator, Matrix, Metropolis (le manga) et Ghost in the shell. Ce qui fait que j’ai vécu des images plein la tête lors de mes écoutes. Tu sembles fascinée par cette dualité humain/virtuel assez post-humaniste, peux-tu nous en dire plus ? Lis-tu ce genre de littérature et as-tu des films fétiches sur le sujet ?

Beaucoup des textes ont été écrits avec ou par Jean-Baptiste Thomas-Sertillanges, qui est un peu le shadow-member du groupe. On a tous les deux cette fascination pour les films d'anticipation, d'abord pour la richesse des univers visuels, en particulier le cyberpunk, mais aussi la vision de la société, les thèmes qui résonnent avec l'actualité et font réfléchir sur l'avenir de l'humanité. "Ils t'ont dit" est inspiré de la série Severance, “Retour au réel” de The Matrix évidemment... Mais on a surtout eu envie de parler du monde dans lequel on vit : “l’Assemblée” parle de la politique-spectacle, “Le glaive” du féminisme, “Vendredi noir” de la société de consommation. L'idée était à chaque fois réellement de raconter une histoire et pourquoi pas de faire passer des petits messages. Et toujours ce fil conducteur d'un protagoniste qui essaie de trouver sa place et "dévie" de la trajectoire qui lui était imposé. En fait, “Déviante”, c'est un peu notre premier long-métrage !


- Quel est ton parcours musical ? As-tu une formation classique, lyrique ? Joues-tu de plusieurs instruments ? As-tu eu d’autres groupes avant Elyose ?

Mes parents m’ont poussée vers la danse classique très jeune mais j’ai vite envié mes camarades de classe qui devaient apprendre les notes et jouer d’un instrument. Je me suis rattrapée un peu sur le tard en intégrant le conservatoire d’abord pour la flûte traversière (j’avais malheureusement passé la limite d’âge pour le piano) puis un peu plus tard pour l’orgue alors que je prenais des cours particuliers de piano en parallèle. Lorsque j’ai été admise en chant lyrique à l’âge de 21 ans j’ai continué ma formation musicale mais j’ai troqué l’orgue avec ma voix. J’ai quitté le milieu du classique quatre ans plus tard pour me consacrer totalement au Metal. J’ai eu quelques groupes avant ELYOSE mais rien de bien sérieux qui vaille la peine d’être mentionné.


- Tu restes en autoproduction depuis le début. As-tu déjà eu l’idée de faire appel à un label ?

Avoir besoin d’un label pour avoir du succès est un mythe des années 80 qui reste malheureusement bien ancré aujourd’hui, quarante ans plus tard… Je dis malheureusement parce que je constate que beaucoup de groupes attendent après ça pour obtenir une certaine preuve sociale et perdent énormément de temps. À l’âge d’internet, du marketing digital, de l’intelligence artificielle, des distributeurs numériques, je trouve ce modèle dépassé. En plus, le côté entrepreneurial de ce métier me passionne tout autant que le côté artistique alors non je ne souhaite pas faire appel à un label. Aujourd’hui il n’y a pas grand chose qu’ils puissent faire que tu ne puisses pas faire toi-même de toutes façons.


- Que penses-tu du streaming et toutes ces plateformes digitales, qui tendent à annihiler à plus ou moins long terme l’existence des supports physiques de la musique comme le CD, le Vinyle ?

Je ne pense pas que le streaming annihile les supports physiques parce que les ventes restent bonnes et ont même tendance à augmenter. Il y a même d’anciens supports qui refont surface comme le vynile ou la cassette. Cela nous offre plutôt une autre possibilité de consommation à l’heure du 100% numérique. Je vois même pas mal de gens utiliser les deux supports, par exemple les CD dans leur voiture et le streaming là où il n’y a pas de lecteur CD. J’en vois même écouter en streaming en premier pour valider une envie d’achat par exemple. Spotify nous permet même maintenant d’afficher notre merchandising sur nos profils, et d’associer un CD physique à nos albums digitaux par exemple, quelle aubaine !
De tout temps les modes de consommations ont changé et ça n’est pas propre au marché de la musique… Je pense que c’est à nous de savoir s’adapter.


- « Déviante » sera-t-il défendu sur scène bientôt ?

Non malheureusement ça n’est pas prévu parce que ELYOSE est à présent un duo et la richesse de la musique de nous permet pas de la restituer sur scène à seulement 2 musiciens. Il faudrait embaucher une équipe spécialement pour le live, ce qui serait très onéreux, sans parler des autres coûts de production, de voyage, de matériel et même de devoir payer pour jouer en plus de tout ça dans la majorité des cas. C'est ce que l'on appelle le "pay to play" et qui est de plus en plus répandu de nos jours, dans les festivals notamment. Donc non, ELYOSE est plutôt devenu un projet studio à cause de toutes ces raisons évoquées.


- Étant musicien moi-même et détenant un petit studio d’enregistrement, j’aime bien discuter de l’aspect technique de la musique et sur « Ils t’ont dit » principalement, on ressent des accords ultra-graves sur les guitares et basses ? Est-ce un effet studio de post-prod. ou Anthony joue-t-il sur une guitare spécifique ?

Anthony joue sur une guitare ESP 7 cordes SH-7 Brian Head Welch (Korn) signature. L'avantage de cette guitare, c'est qu'elle est équipée d'un bridge Evertune, qui permet de rester parfaitement accordé en tout temps. Une fois que le tuning est fait, un système de ressort s'assure que la tension des cordes (et donc l'accordage) reste similaire. Ça permet de s'accorder très bas, on varie de E (une octave en dessous du standard, c'est l'accordage d'une basse standard) à F en passant par F# (accordage standard d'une 8 cordes) et enfin à C# pour les morceaux les plus "aigus". Ce n'est donc pas de la post prod, mais de réelles guitares. Sur “Ils t'ont dit” les guitares jouent tellement bas que la basse joue à la même octave, sinon on ne la distinguerait pas.


- Mes morceaux préférés sont « Vendredi noir », « Retour au réel », « Ils t’ont dit », « Déviante »... As-tu des titres fétiches ?

Oui mes deux morceaux fétiches font partie des tiens justement, ce sont “Vendredi noir” et “Déviante” !

- J’ai vu passer quelques photos où tu poses comme modèle sur ton site totalement hors contexte musical. Es-tu également mannequin ou est-ce seulement pour le fun ?

Non je n’ai jamais été mannequin mais j’aime exprimer mes goûts et mon identité par des photographies également, ce qui est complémentaire avec mon métier de chanteuse où l’image est très importante.

- Arrives-tu à vivre de la musique ? Es-tu intermittente du spectacle ?

Oui je vis de la musique depuis l’année 2020 mais je ne suis pas du tout intermittente, je suis auto-entrepreneure.

- Je t’ai aussi découverte et appréciée avec l’album The Erinyes, où tu partages les chants avec les excellentes Nicoletta Rosellini (Walk in Darkness, Kalidia) et Mizuho Lin (Semblant). Étant un projet du label Frontiers qui est un peu plus Heavy-Metal classique, comment as-tu été en contact avec eux pour ce projet magnifique et comment se sont passées les sessions studio, à distance ou en présentiel ?

C’est le label Frontiers Records qui m’a démarchée pour ce projet qu’ils ont imaginé et créé de A à Z. Nous étions alors en pleine pandémie et ne pouvions pas voyager, c’est la raison pour laquelle nous avons toutes les trois enregistré depuis chez nous, en étant coaché à distance par le producteur Aldo Lonobile.

- Y aura-t-il une suite à ce premier album des Erinyes ou est-ce un « one shot » ?

J’ai le plaisir d’annoncer que nous avons signé pour un deuxième album dont l’enregistrement est imminent !

- As-tu d’autres projets/groupes en cours ? As-tu déjà réfléchi au prochain album d’Elyose ?

Je suis chanteuse de session également pour d’autres projets mais je reste principalement concentrée sur Elyose et The Erinyes, qui occupe déjà une grande partie de mon temps ! Le prochain album d’ELYOSE est déjà bien entammé grâce à Anthony qui n’arrête jamais de composer !

- Pavillon666 et moi-même te remercions infiniment pour ta disponibilité, ta gentillesse et ton art. Le mot de la fin est pour toi…

Merci à vous de m’avoir donné l’occasion de m’exprimer sur votre webzine. Je vous invite à découvrir ELYOSE en vous rendant sur notre site www.elyosemusic.com, c’est la meilleure introduction à notre univers si vous ne nous connaissez pas, vous pourrez même repartir avec des morceaux gratuits !