Il est de notoriété publique que depuis l'échec de la ligne Maginot, les frontières françaises sont les plus impénétrables qui soient. La preuve: après avoir fièrement dévié le nuage radioactif de Tchernobyl et empêché depuis des années de nombreux groupes metal à se produire chez nous, l'hermétisme de notre pays est aussi parvenu a repousser le son chaud et sableux du stoner rock, si bien que personne n'a jamais entendu parler du moindre combo stoner français. Et pourtant dans chacun des cas, l'effet n'aura pas été total. Notamment lorsque l'on parle de cette scène encore confidentielle mais bien émergente du stoner en France. Des combos tels que Caldera, Blackstone, Loading data et aujourd'hui Coffin on tyres s'échinent à effriter les murs de leur garages sur leurs amplis en surchauffe.

Et pour ces derniers (Coffin on tyres pour ceux qui ont une mémoire de poulpe), originaire de région parisienne, le souffle incandescent des contrées arides américaines est visiblement comme une seconde patrie. A peine deux ans d'existence pour le quintet francilien et déjà un premier album auto-produit au professionnalisme bluffant. "Red", c'est son nom, s'impose dès la première écoute comme une remarquable carte de visite.
Derrière sa pochette au ciel rouge sang et aux collines arides, la musique du combo s'inspire logiquement des grands pontes du genres. Kyuss, Monster magnet, Master of reality, autant de noms qui résonnent encore dans les oreilles des amateurs et qui contribuent à faire fleurir le jeu de nombreux musiciens. Coffin on tyres respecte donc les règles du genre mais avec personnalité et justesse. Riffs aux piquants de cactus, rythmiques brulantes comme le sable plus heavy que groovy et compos racées et dynamiques ponctuent ces huit titres qui étonnent par leur maturité. Si l'on peut tout même déplorer quelques idées qui transpirent trop leurs influences et ça et là un titre moins abouti que le reste ("Skins" m'apparait comme trop peu travaillé par rapport au reste par exemple), on tient là une véritable perle de Desert Rock "péchu" et classieux. Une partition musicale puissante et carrée, qui vous prend à la gorge comme un coyote affamé, survolé par l'atout majeur du groupe à mon sens, la voix de Geoffrey Codant. Chaleureux et sensuel, son timbre supporte facilement la comparaison avec les grands messieurs du style. Dès l'introductif "Time machine", sa prestation étonne et séduit par ses inflexions de crooner et la profondeur de sa tessiture. On ne pouvait rêver mieux pour accompagner une musique bien lourde et grasse comme on l'aime.

Alors, pour faire taire les fines bouches, Coffin on tyres n'est pas très original certes, mais compense sa jeunesse par une maitrise et une volonté redoutables. L'idéal serait de s'enfiler la galette, de se délecter de ce bon gros Desert Rock velu à l'américaine et découvrir ensuite que le groupe ne vient pas des plaines arides d'Arizona mais bien de notre capitale grise et humide, surprise garantie! Nul doute qu'on reparlera d'eux d'ici peu. A suivre avec intérêt et une canette bien fraiche à la main.