Je suis méchamment déprimé. Je crois que je n'aurais pas dû écouter deux fois dans son intégralité « Under the eye of the utu » de Sunstare. Encore une fois et je pense que je sautais directement du 4ème étage de mon appartement pour abréger mes souffrances. A travers cette introduction brève et un brin ironique, vous aurez compris que la musique de Sunstare ne transpire pas la joie de vivre, loin de là.

Le quatuor lillois formé en 2013 sort ici un album qui s'inscrit dans la plus pure lignée sludge/post hardcore incarnée par Neurosis. A ce titre, Sunstare frappe fort pour son premier long format : sa maîtrise du style, dans le fond comme dans la forme est impressionnante. Aucune faute de goût, aucune approximation dans les compositions.
Du premier titre qui ouvre l'album « inverted triangles » au neuvième (« escaping irkala ») qui le clôt, le propos est d'une lourdeur et d'une noirceur incommensurable, flirtant d'ailleurs avec le doom à de nombreuses reprises. L'auditeur est empêtré corps et âme dans une fange sonore tellement sombre et gluante qu'il lui devient impossible de tenter de respirer sans se sentir asphyxié et anéanti psychologiquement.
Jamais « Under the eye of the utu » ne laisse entrevoir l'ombre la plus infime d'un espoir dans ce qu'il offre à écouter. Le chant, taillé dans une texture gutturale épaisse et violente est porté par un tempo d'une lenteur démoralisante, martelé par une section rythmique pachydermique. Les guitares, graves et monstrueuses, assènent des riffs et des arpèges à la fois violents, étouffants et dissonants à souhait.

Mais, si Sunstare propose une musique bien construite, d'une densité extrême qui malmène émotionnellement son auditoire dans la première demie-heure de son opus, ces mêmes qualités ont tendance, dans une certaine mesure, à se retourner contre le groupe. Effectivement, à trop vouloir bien faire, une certaine lassitude s'installe à l'écoute de la deuxième partie de « Under the eye of the utu ». La faute à quoi, êtes-vous en droit de me demander. Un tempo quasi uniforme pendant 55 minutes ainsi qu'une pléiade de structures mélodiques et rythmiques redondantes qui, au bout d'un certain temps, tendent à donner l'impression d'un « déjà entendu », les neuf titres qui font l'album ressemblant à une seule et même longue composition.

Par ailleurs, on saluera la qualité du support cd et de la production, mettant remarquablement en valeur les qualités artistiques du groupe. En effet, le produit fini présente un artwork créatif, incertain quant à sa signification mais présentant une esthétique aux formes et couleurs inquiétantes, anxiogènes. A noter que le disque présente également un livret intérieur assez soigné, que les amateurs, comme moi, de musique au format cd apprécieront.

On peut sans aucun doute conclure que Sunstare est un groupe prometteur qui livre ici un « Under the eye of the utu » convaincant, même si l'authenticité de sa démarche de composition devra à mon sens laisser plus de place à l'originalité pour lui permettre, à l'avenir, de se forger une identité musicale plus distincte.
Fans de Neurosis ou autre Cult of Luna, vous devez absolument jeter au moins une oreille à cet album.