Pavillon 666 - metal rock webzine TOWER OF SILENCE
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Lien du Groupe : https://towerofsilence.bandcamp.com/album/semelean-revelations
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Mise en ligne le : 09 janvier 2025  | Intervieweur : TomHunter | Traducteur :


INTERVIEW francaise - pavillon 666 - webzine metal rock
Interviex de TOWER OF SILENCE par TonHunter pour Pavillon 666 :


● Tower Of Silence semble être un terme utilisé par d’anciennes civilisations pour
désigner un rite mortuaire. Est-ce en rapport avec le nom de votre formation ou y
a-t-il autre chose derrière cette dénomination ?

Exactement, “tours du silence” est le nom empreint de poésie que les explorateurs
occidentaux ont attribué à des bâtiments circulaires utilisés par les civilisations
iraniennes pré-islamiques pour disposer de leurs morts. Dans la religion zoroastrienne,
la terre, l’eau et le feu sont des éléments sacrés qui ne doivent pas être souillés par la
mort. Ainsi l’on place les cadavres en haut de ces structures afin que les chairs soient
dévorées par les oiseaux et les ossements jetés dans une fosse centrale et
graduellement désintégrés. Certaines sont encore en activité comme à Mumbai en Inde
où subsiste une communauté zoroastrienne depuis plusieurs siècles.
Nous avons choisi ce nom en raison de l’originalité de cette pratique, que l’on peut
également comparer au jhator du bouddhisme tibétain où le corps est découpé puis
laissé à la consommation des oiseaux carnassiers. Les rites funéraires font partie des
pratiques culturelles les plus anciennes et les plus fondamentales des sociétés
humaines. Leur variété, leur persistance et les réactions vives que l’on peut avoir à leur
sujet selon d’où l’on vient (qu’on les considère comme nécessaires et acceptables ou
bien incompréhensibles et révoltantes) montrent bien l’importance qu’elles ont et que
la mort a dans notre construction culturelle, et qu’elles sont à la base de ce qui fait de
nous des sociétés humaines.
Dans le cas des tours du silence ou du jhator, il s’agit d’une vision dans laquelle une fois
la mort survenue, le corps physique n’a plus aucune espèce d’importance. Seule
comptent la libération de l’âme (pour le zoroastrisme) ou la renaissance karmique
(pour le bouddhisme). Ces perceptions de la mort sont très différentes de nos cultures
occidentales où prévaut l’idée de la préservation du corps en vue d’une résurrection
finale.


● En ce qui concerne l’album, je crois savoir que l’adjectif « Semelean » a été
inventé pour l’occasion. Pouvez-vous expliciter ce terme et peut-être nous en dire
plus sur la nature du titre de l’album ?

En effet, le terme “semelean” que l'on peut traduire par “séméléen” n’existe pas dans le
dictionnaire. Il s’agit d’un néologisme inspiré du mythe grec de la naissance de
Dionysos. Sémélé, maîtresse mortelle de Zeus et mère du futur Dionysos, demande à
Zeus d’apparaître devant elle sous sa forme divine. Zeus, lui ayant promis de lui
accorder un voeu de son choix, est obligé de s’exécuter et se présente donc sous sa
forme réelle, la foudroyant instantanément. Il arrache in extremis à Sémélé l’enfant à
naître et le place dans sa cuisse, d’où Dionysos naîtra.
L’idée est venue du tableau Jupiter et Sémélé peint par Gustave Moreau en 1894, qui
illustre ce mythe dans un style extravagant, mystérieux et complexe. Derrière ce mythe
se cache une symbolique plus ancienne : Dionysos est un dieu du Feu, né de la foudre du
Ciel qui vient frapper la Terre (Sémélé étant une ancienne déesse de la terre). Dans une
autre lecture plus contemporaine, la soif d’absolu et de vérité qui caractérise l’être
humain mène souvent à la catastrophe et la destruction, à l’image de Sémélé qui voulait
voir le visage d’un Dieu. Le Feu est aussi un élément fondamental des sociétés
humaines, c’est le feu qui chauffe, qui nourrit, qui éclaire ; mais c’est aussi le feu qui
agresse, qui dévore, qui consume. Le feu attire comme il repousse, il crée comme il
détruit ; selon Héraclite d’Ephèse, “du feu naissent toutes choses et dans le feu toutes
choses trouvent leur fin”.
C’est le désir légitime de comprendre et de maîtriser le monde qui nous entoure qui a
poussé les plus grands esprits du XXe siècle à percer les secrets de l’atome tout comme
à déchaîner l’apocalypse nucléaire. Ce sont les ambitions malheureuses et futiles de
sociétés totalitaires, idéalistes et ivres de transcendance, qui ont conduit aux massacres
titanesques du siècle dernier. Nous n’avons jamais cessé d’être des Sémélé, sans cesse
dévorées par le désir d’une perception toujours plus complète, paradoxalement
aveugles à la révélation ultime qui finira par nous consumer. Une “révélation
séméléenne” en somme. “Le feu est donc le principe, puisque toutes choses s’y
dissolvent” nous dit encore Héraclite.

● Les paroles sont donc liées à cet aspect mythologique dans l’entièreté de l’album
? Y a t-il d’autres éléments qui vous ont inspirés pour nourrir vos textes ?

La mythologie a toujours fasciné, qu’il s’agisse des sociétés qui y croyaient réellement
que celles qui ne la voyaient que comme une “mythologie”. Dans le cas de la mythologie
grecque, il s’agit de celle qui est la mieux connue en Occident, et qui a constitué une
culture commune tout autour de la Méditerranée depuis des siècles, de l’Antiquité
jusqu’à 2024. La mythologie, d’ici ou d’ailleurs, nous fournit des archétypes, des
perspectives symboliques et philosophiques à travers lesquelles voir le monde, comme
j’ai pu en proposer une interprétation plus haut.
Chacun se fera son interprétation des paroles de l’album, mais cette importance du
symbolisme, de l’image extravagante et mystique a été au coeur du processus d’écriture
des paroles. Bien que le titre de l’album fasse explicitement référence au mythe de
Sémélé, l’inspiration des textes est multiple et il s’agissait plus de lui construire une
mythologie propre en mélangeant un grand nombre d’influences et d’idées diverses. Il y
a des emprunts à la philosophie présocratique, à la mystique juive de la Kabbale, au
bouddhisme ésotérique, au christianisme gnostique ou à Berserk. La mythologie a
toujours évolué, s’est toujours nourrie d’influences extérieures, elle est toujours le
produit de son temps, et l’Art l’est aussi.

● Les compos sont riches et bien établies sur ce premier album. Qu’en est-il du
procédé de composition ? Y a-t-il une personne ou plusieurs aux manettes, est-ce
que chacun met la main à la pâte ?

Cela a été assez varié, la composition s’est étalée dans le temps, certains morceaux ont
été commencés dès la fin de l’écriture de l’EP en 2016, et d’autres ont été finalisés
plusieurs années plus tard. Des modifications sont aussi survenues au moment de
l’enregistrement ou du mixage. Indépendamment de qui a été à l’initiative créatrice de
tel ou tel morceau ou de tel ou tel riff, au final c’est un produit collectif puisque chaque
composition a été appropriée à travers le jeu individuel de chaque membre du groupe.
Même si une personne peut concevoir et composer un morceau dans son intégralité, on
est pas souvent guitariste, bassiste ou batteur en même temps et chaque membre du
groupe a apporté sa vision et son interprétation individuelle. L’ensemble de l’album est
le produit de Tower of Silence en tant qu’entité.

● Pouvez-vous vous révéler comment s’est déroulé l’enregistrement ?

Les membres du groupe ont tous des compétences en production musicale, qu’il s’agisse
de leur métier ou non. On a donc eu dès le début eu le désir de faire un maximum de
choses nous mêmes, en utilisant nos ressources et en se débrouillant pour récupérer du
matériel à droite à gauche. Forcément on ne peut pas arriver au même résultat qu’en
faisant appel à un studio professionnel. Mais l’expérience de prendre nos propres
décisions, de composer avec les limites qui étaient les nôtres, de se confronter à la
difficulté et au processus de production était très appréciable. On a donc fait
l’enregistrement des instruments ainsi que le mixage nous mêmes, tandis que nous
avions confié l’enregistrement des voix ainsi que le mastering à Michael du Studio
Akashik, qui est un ami de longue date.

● L’ajout de certains instruments révèlent véritablement l’identité de Tower Of
Silence, le Hammond, samples, didgéridoo,... Pouvez-vous nous en dire plus sur
ces choix, sur les ambiances créées que ces sons ont pu apporter à votre oeuvre ?

Alors c’est marrant mais ce que tu interprètes comme du didgeridoo n’en est pas ! C’est
du chant diphonique, une technique de voix très utilisée notamment dans la musique
traditionnelle mongole ou les mantras tibétains. C’est une technique vocale qui laisse
rarement indifférent et que je trouve très appropriée pour le black metal. Elle évoque
immédiatement une atmosphère ancienne, mystique, un côté “drone” qui fait penser à
des choeurs religieux, des voûtes anciennes, des airs chargés d’encens.
Quant au Hammond, c’est un instrument emblématique des années 70 et notamment du
rock progressif de cette époque : Emerson, Lake & Palmer, Genesis, Yes, Camel. On se
réclame du “black metal progressif”, alors on a voulu insérer cet instrument si hors
normes dans l’album. Cela a été permis par notre ami Julien, ex-membre de feu le
groupe Slang, qui en possède un ainsi qu’une cabine Leslie, et qui l’a enregistré avec
nous. Pour ce qui est des samples, on a fait le choix de pas en mettre beaucoup à part
sur l’intro de la 1ère track, pour garder un côté un peu plus “live”.

● Avez-vous la volonté de trouver un label ou souhaitez-vous rester en
indépendant et peut-être garder votre entière liberté en terme de temps et
rendus ?

A mon sens les deux ne sont pas incompatibles, il existe beaucoup de labels
underground très reconnus qui valorisent la liberté artistique, je pense par exemple à I,
Voidhanger, Avant Garde Music, Van Records, Redefining Darkness. Nous serions tout à
fait ouverts à travailler avec ce genre de labels de qualité. On a plein d’idées !

● Vous avez déjà joué avec Himminbjorg et Au-Dessus entre autres, allez-vous
chercher quelques dates afin de promouvoir cet album prochainement ?

Tout à fait, on est aussi un groupe de live et on est très motivés pour faire connaître et
défendre cet album sur scène. On est de Lyon, on y a pas mal joué jusque là, et on
aimerait bien aller dans d’autres villes en France pour se faire connaître. On est très
amis avec Malepeste, un autre groupe de Lyon avec qui on a déjà partagé des scènes, et
on aimerait bien associer nos forces pour promouvoir à la fois Semelean Revelations et
leur futur 3e album qui est en cours de finition.

● Vos influences ont été citées dans la précédente chronique mais cela était un
ressenti personnel (qui je l’espère colle avec votre pensée). Aussi je finirais en
vous demandant de citer quelles sont vos références en matière de black metal et
pourquoi pas plus largement en musique tout simplement.

Ton ressenti colle très bien à beaucoup de nos influences, comme Blut Aus Nord et
Opeth. C’est assez évident dans ce qu’on fait mais Deathspell Omega serait
probablement le principal groupe à citer dans ce qui nous inspire, dans cette approche
d’un black metal technique, complexe, incandescent et en transformation perpétuelle.
Dans cette veine, il y aurait également Krallice, Dodheismgard, Ulcerate, Esoctrihilium,
Emptiness ou Kriegsmaschine. A titre personnel, un groupe que je considère être une
référence en terme de là où le black metal peut être poussé dans ses retranchements
artistiques, c’est Murmuüre. C’est très différent de ce qu’on fait, mais l’émotion qui se
dégage de l’ovni bizarre et fascinant qu’est cet album de 30 minutes a toujours eu une
influence dans ma perception du black metal. En dehors du BM, comme dit plus haut le
rock progressif des 70’s est une inspiration en termes d’approche esthétique. Between
the Buried and Me est également une très grande source d’inspiration dans leur façon
d’approcher le terme “progressif” dans leur style.

Merci à toi pour cette interview !







original INTERVIEW - pavillon 666 - webzine metal rock




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