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Mise en ligne le : 2 juillet 2025  | Intervieweur : Frozen | Traducteur : Frozen


INTERVIEW francaise - pavillon 666 - webzine metal rock
« Celestial » est un album en quatre volets liés aux saisons. Pourquoi avoir choisi cette structure et comment chaque saison influence-t-elle la musique et les textes ?

Pour ce quatrième album, on voulait explorer un format long, dense, foisonnant de thèmes et de mystères, mais sans perdre en cohérence ni en fluidité. On savait qu’un album de ce type ne tiendrait pas sur 2 faces de vinyles, donc on savait assez tôt qu’on allait avoir un album en 4 parties, c’est ce qui a inspiré l’idée d’un album aligné sur les 4 saisons. Le fait de nous baser sur ce cycle planétaire nous a bien plu. A partir de là, c’est juste un processus créatif qui se met en marche et les idées découlent naturellement en collectif.

Cette structure en 4 saisons nous a aussi amenés à cette idée de sortir l’album progressivement, autour des solstices et des équinoxes : ça permet d’alimenter l’attente et de faire durer le suspense auprès des auditeurs, et c’est aussi un bon moyen pour nous d’avoir de l’actualité sur une période plus longue et donc d’être plus visibles. Ça permet aussi au public d’apprécier chaque saison individuellement, de s’en imprégner progressivement avant d’apprécier l’album dans sa globalité.

En termes de composition et d’écriture, on a conçu dès le début une trame donc on savait où on allait : les thématiques et les ambiances de chaque saison, les éléments scénaristiques étaient prévus à l’avance. Ce qui peut être compliqué c’est de se tenir au format vinyle, avec 15 à 20 minutes maximum par face, car on avait largement de quoi faire 30 minutes par saison si on se laissait aller !


Comment s'est déroulé le processus créatif sur ces deux ans et demi, entre sessions d'isolement et compositions collectives ?

Les sessions d’écriture ont été réparties entre la Creuse, Rennes et Clisson. La plupart ont eu lieu en Creuse, dans un ancien moulin à eau. On s’y est retrouvé tous ensemble, parfois librement, parfois après avoir bien vérifié le résultat de nos tests Covid pour éviter toute contamination… Avec un rythme d’une semaine par session de composition, en immersion totale, les morceaux ont avancé plutôt vite : par exemple, le squelette de “Home” (Spring) est né en moins d’une semaine. Mais les ajustements, eux, ont parfois pris des mois.

Dans le groupe, chacun peut s’exprimer sur n’importe quel aspect de la création. Si le chanteur souhaite modifier un groove de batterie, ou bien si le guitariste veut modifier des textes écrits par le bassiste, tout le monde est ok avec ça et l’atmosphère est du coup très détendue là dessus. On se fait tous confiance pour avancer dans le bon sens et essayer de créer collectivement la meilleure musique possible.

On a d’ailleurs le même mode de fonctionnement au sein du groupe sur le reste : illustration, vidéo, enregistrement… chacun d’entre nous ayant des compétences utiles au groupe, on se délègue les tâches avec beaucoup de confiance !


Comment s'est passé le travail dans le studio ? Est-ce que chaque titre était déjà bien ficelé ou est-ce que vous vous êtes laissés une marge de manœuvre pour improviser / tester d'autres choses ?

Du fait de notre façon de composer et d’enregistrer nos idées en même temps, les morceaux étaient déjà stabilisés et écoutables dès la fin de la composition. On a tous retravaillé des détails de nos parties respectives avant l’enregistrement, parfois ajouté quelques subtilités ou bien corrigé quelques imprécisions qui avaient pu se glisser. Après, durant l’enregistrement, il y avait assez peu de marge de manoeuvre dans la mesure où beaucoup de nos riffs sont créés autour d’empilements de rythmiques ou d’harmonies et c’est un peu comme un puzzle musical, on essaie de mettre chaque pièce à sa place et il est très difficile de déplacer quoi que ce soit du fait d’intrications parfois assez complexe entre nos parties respectives.
Y a-t-il eu des moments difficiles ou des défis particuliers à relever pendant la réalisation de cet album ?


La composition s’est faite plutôt naturellement, grâce à notre fonctionnement très ouvert : chacun peut intervenir sur l’instrument ou l’idée de l’autre, ce qui nourrit en permanence la créativité.

L’enregistrement, lui, oppose la dure réalité à notre création et on a tous eu des moments de tension, de remise en question parce que certaines parties sur l’album nécessitent un toucher subtil ou bien une mise en place particulièrement exigeante. Parfois, certains passages que l’on avait pu juger simples de prime abord se révélaient être des abîmes de complexité à cause de leur placement rythmique terriblement exigeant. Celui qui a le rôle le plus difficile là dedans est probablement Gabriel à la batterie puisqu’il doit souvent jouer en même temps les polyrythmes qui composent les morceaux.

Un autre défi a été d’aller chercher une patte sonore pour chaque saison de l’album. Les sons de guitares, le son de la caisse claire, l’instrumentation, les mixes ou les arrangements ont été vraiment travaillés pour que chaque saison ait son propre son et son feeling à part. Le défi d’enregistrer l’album entier mais de réussir à se réinventer à chaque saison et recréer une ambiance différente à chaque fois était un leitmotiv mais aussi une source de réflexion constante.


Quelle est la symbolique du "disque venu du ciel" dans le concept global ?

Pour nous, il représente un message, un changement qui peut intervenir à tout moment dans une vie et la bouleverser à jamais. Chacun peut y voir ce qu’il veut. Dans Celestial, c’est un message venu d’un autre monde qui annonce (tout simplement) la fin du monde. A partir de là on s’est laissés aller à imaginer comment recevoir un tel message pourrait impacter une personne, jusqu’où il pourrait aller pour changer le cours de l’histoire par exemple. Mais ça reste assez libre d’interprétation.


Quelles sont vos principales inspirations musicales et littéraires pour cet album ?

Musicalement, beaucoup de Tool, de Pink Floyd, de Porcupine Tree, Leprous, Hypno5e, Riverside, The Ocean… Pour Spring, un peu de jazz s’est glissé avec Esbjörn Svensson Trio ou Keith Jarrett. Peut-être parfois du King Crimson aussi. Concernant les inspirations littéraires on pourrait plus se tourner vers les ouvrages de Jean-Marc Jancovici ou les rapports du GIEC !


Comment avez-vous intégré des instruments atypiques comme le oud ou le frame drum dans votre univers metal/prog ?

Le oud et le frame drum sont présents sur Spring, la troisième face de l’album. La volonté de cette face était, à la base, de créer une composition acoustique, jouable sans sonorisation, sans électricité : compatible avec un monde décarboné, finalement.

Entre l’intention de base et le résultat final, les choses ont évolué, se sont enrichies et le morceau est finalement devenu un hybride entre cette volonté acoustique et nos possibilités électriques d’où un patchwork un peu particulier. Simon avait commencé à jouer du oud électrique quelques mois plus tôt, et l’idée d’utiliser le frame drum est née de la volonté de chercher un instrument rythmique acoustique qui pourrait entrer en résonance avec les volontés rythmiques et polyrythmiques de notre batteur. Le piano, lui, était déjà présent ponctuellement sur nos albums précédents, et Arthur étant pianiste avant même d’être bassiste, cela s’est fait assez logiquement. Nous avons eu la chance d’avoir sur l’album un joueur de oud acoustique en la personne de Niqolah Seevah qui nous a fait l’honneur d’interpréter les parties de oud en studio pour nous permettre d’aller à 100% dans l’esthétique sonore qu’on recherchait.


Vous associez l'album à une performance avec danse Butō, un art très particulier. Comment est née cette idée et comment se passe la collaboration ? Comment l'aspect visuel et scénique complète-t-il la narration musicale ?

Nous avons rencontré Melvin Coppalle, danseur et comédien, lors d’une rencontre d’artistes sélectionnés par la ville de Rennes. Son approche très authentique et sans compromis a fait écho avec nous. Nous avons fait un premier projet ensemble préparé en seulement 2 jours pour un concert au Jardin Moderne en 2017, et le courant est tout de suite passé. Depuis, cette collaboration continue : son rôle a évolué et la danse inspirée du Butō qu’il pratique est une des sources d’inspiration qui transparaît sur scène.
Pour Celestial, nous avons pu collaborer avec une metteuse en scène, Annabelle Piery, un concepteur de décors pour le théâtre, Thierry Lelievre, et un costumier, Vincent Abalain. On a donc maintenant une scénographie originale qui nous permet de suivre la narration tout en donnant une profondeur esthétique et sensorielle qui emmène plus loin. C’est un tremplin assez libre d’interprétation où les spectateurs y trouvent chacun une résonance en eux-même. On ne pouvait espérer mieux !


L'album évoque la solitude humaine, l'effondrement et la reconstruction. Que souhaitez- vous transmettre à votre public avec ce message ?

Nous avons conçu cet album comme un voyage initiatique, une sorte de conte philosophique nourri de symboles, d’émotions et de ruptures. Il s’adresse autant à l’individu en quête de sens qu’à une humanité traversée par des cycles d’effondrement et de renouveau. Dans la culture hindouiste, il existe un concept qui s’appelle saṃsāra et qui décrit ce cycle de renaissance perpétuelle. D’une certaine manière, notre album s’inscrit dans cette logique, et chaque morceau explore une facette de ce parcours : la peur, l’espoir, la confusion, la haine, la foi… autant d’émotions humaines profondes qui balisent un chemin vers la transformation.

Au fond, l’album invite chacun à contribuer, à sa manière, à ce cycle. À poser un symbole, un geste, une note qui guidera peut-être d'autres. C’est un appel à l'éveil, l'introspection, le partage et la création..


Quelle place accordez-vous à la réflexion sur notre planète dans vos textes ?

C’est une dimension essentielle. Celestial est né de cette envie : composer un album profondément ancré dans les bouleversements que traverse notre monde aujourd’hui.

Les crises écologiques, sociales, spirituelles... Tout semble indiquer qu’on approche d’une forme d’effondrement. Face à cela, la question n’est pas seulement “que faire ?”, mais “comment faire en sorte que chacun en prenne la mesure ?”. C’est autour de cette interrogation que nous avons construit Celestial, où le Golden Sun devient à la fois un symbole et un objet : un disque, venu du ciel, porteur d’un savoir à transmettre.

La musique, pour nous, est une vibration vivante, profondément liée à la nature. Elle est présente dans les rythmes du monde, dans les cycles de la Terre, dans le souffle même du vivant. Elle peut être un véhicule d’énergie, de mémoire, de conscience… Une forme de mantra qui relie et réveille.


Comment voyez-vous l'évolution de MANTRA pour les prochaines années ?

La création du spectacle vient tout juste de se terminer et les prochains mois seront consacrés à jouer Celestial sur scène le plus possible ! L’hybridation entre musique metal, danse et mise en scène contemporaine nous amène à transporter le spectacle dans beaucoup de lieux différents et à aller à la rencontre de nouveaux publics, c’est très stimulant !

On prépare aussi de nouvelles vidéos, qui sont un bon moyen pour nous de compléter la musique et d’ouvrir des portes pour permettre au public de se plonger dans notre univers.

La suite musicale, elle, est en réflexion et prendra le temps nécessaire. Notre musique continuera forcément d’évoluer, comme elle l’a fait à chacun de nos disques précédents. Impossible de prédire aujourd’hui la direction que nous prendrons, mais nul doute que nous choisirons d’explorer des choses nouvelles !

original INTERVIEW - pavillon 666 - webzine metal rock




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